En trois ans, plus de 18 000 mineurs
étrangers ont disparu en Europe
Depuis 2018, les autorités d’une trentaine de pays ont perdu la trace de
milliers d’enfants et d’adolescents migrants non accompagnés. Un chiffre
effarant mais encore approximatif en l’absence de données précises dans
certains Etats, dont la France.
Par Jean-Pierre Stroobants(Bruxelles, bureau européen)
Publié hier à 19h27, mis à jour à 11h03
Temps deLecture 3 min.
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Des mineurs
non accompagnés, du camp démoli surnommé « La Jungle », partent pour des
centres d’accueil en France, à Calais (Pas-de-Calais), en 2016. PHILIPPE HUGUEN / AFP
Entre 2018 et 2020, quelque 18 000 enfants et adolescents
étrangers non accompagnés ont disparu en Europe. Ce nombre,
accablant, est aussi approximatif : des Etats – dont la France – ne
collectent pas de données précises sur ces disparitions de jeunes migrants et
d’autres n’ont fourni que des estimations partielles pour 2020.
L’organisation Lost in Europe, un projet de journalisme d’investigation
international regroupant des professionnels de sept pays, a collecté des
informations auprès d’une trentaine d’Etats, membres et non membres de l’Union
européenne (UE). Elle les a ensuite soumises, en mars, à des experts qui sont
arrivés à la conclusion qu’en l’espace de trois ans les autorités avaient perdu
la trace d’au moins 18 292 mineurs étrangers non accompagnés (MENA).
D’abord abrités dans des centres d’accueil, certains ont probablement
rejoint un membre de leur famille. D’autres ont trouvé un travail au noir ou
ont été contraints au travail forcé pour rembourser leur dette à l’égard de
leurs passeurs. D’autres encore ont été victimes de groupes criminels, dont des
réseaux de traite des êtres humains : des filières de prostitution de
jeunes Nigérianes ont notamment été mises au jour dans plusieurs pays.
Article réservé à nos abonnés Lire aussi En Europe, la tragédie des
jeunes migrants exploités par des réseaux clandestins
C’est en Italie (5 775 disparitions recensées), en Belgique
(2 642), en Grèce (2 118, nombre arrêté à la mi-2020) et en Espagne
(1 889) que les disparitions sont les plus nombreuses. Faute de
statistiques, on ne sait rien de ce qui se déroule en France, en
Grande-Bretagne ou en Roumanie. Lost in Europe relève cependant la
fragilité de ces données. Parce que, dans certains pays de première arrivée,
des enfants sont enregistrés en tant qu’adultes ou que d’autres transitent par
des pays qui ne les enregistrent pas. En revanche, un mineur quittant, par
exemple, un centre en Espagne pour gagner les Pays-Bas sera compté deux fois.
En fait, les échanges de données entre les pays de l’UE concernant ces jeunes
sont presque inexistants. Comme, apparemment, la prise en compte de leur
situation.
Complexité des institutions
« L’Europe est capable de régler la question des compensations si
votre avion est en retard, mais un enfant exploité devra, lui, se battre tout
seul », déplore Kevin Hyland, membre du groupe d’expert du Conseil de l’Europe,
interrogé par un journaliste de Lost in Europe. Deux jeunes
Vietnamiens qui figuraient parmi les 37 personnes retrouvées mortes dans
un camion frigorifique en Grande-Bretagne, en octobre 2019, avaient tenté,
en vain apparemment, d’alerter les autorités néerlandaises sur le rôle de
trafiquants avant d’être contraints d’embarquer. Ils n’auraient pas été
écoutés.
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