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Samedi 7 octobre 2023. L’horreur absolue en Israël. Plus d’un millier de morts, 250 otages, des images de terreur qui font le tour du monde : le pays connaît sa journée la plus sanglante depuis sa création. L’engrenage de la violence est enclenché, une nouvelle guerre éclate au Moyen-Orient. Un an plus tard, presque un millier de jours après l’invasion de l’Ukraine par Poutine et à moins de trois semaines du vote le plus important de la décennie, l’élection présidentielle américaine, notre monde est plus fracturé que jamais. Pour comprendre ce regain de tensions internationales, nous avons interrogé Thomas Gomart, l’un des meilleurs spécialistes de géopolitique.

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Directeur de l’Institut français des relations internationales, Thomas Gomart a publié en début d’année L’accélération de l’histoire (Tallandier). Pour L’Express, l’expert balaie sept points de tensions de la planète, en s’interrogeant sur les mobiles des différents acteurs et les enjeux à moyen terme. Avec une mise en perspective historique, indispensable pour comprendre les évolutions des rapports de force entre l’Occident et le reste du monde. "Avec l’invasion à grande échelle de l’Ukraine, on voit des éléments de transformation profonds, explique Thomas Gomart. Le fait que la Chine soutient la Russie dans sa guerre contre l’Ukraine ; le fait, aussi, que les pays du Sud transactionnel [NDLR : qui prônent une émergence économique sans contrepartie politique­] sont de plus en plus convaincus que ce n’est pas l’Occident qui est en perte de vitesse, mais l’Europe au sein de l’Occident."

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Certes, analyse l’historien, le monde reste dominé par trois grands pôles : Chine, Etats-Unis et Europe. Mais la part chinoise ne cesse de croître, les Etats-Unis se maintiennent tandis que l’Europe s’est affaiblie. Une perte d’influence qui n’est pas nouvelle : Thomas Gomart la fait remonter à 2008. Une année riche en événements : une guerre en Géorgie, une tempête financière et une réponse européenne à cette crise qui va se traduire par une plus grande dépendance à l’égard des Etats-Unis. En réalité, "les Européens sont pris de vitesse. A la fois intellectuellement, par effet d’habitude, mais aussi parce que l’on se provincialise à l’échelle du continent par rapport à un centre de gravité qui s’est déplacé en Asie-Pacifique".

Le monde a changé, mû par des accélérations brutales, mais, l’Europe, elle, fait du surplace. "On n’a pas encore intégré que l’on est désormais sur une logique très défensive." Non seulement l’Europe a besoin d’un plan – la publication du rapport Draghi constitue un début de prise de conscience sur le risque de ­déclassement du continent –, mais aussi de grandes voix pour défendre l’Occident, son mode de vie et son système de valeurs auxquels les citoyens restent très attachés. Tour du monde, de Pékin à Gaza, de Washington à l’Arctique, des nouveaux terrains de confrontation des grandes puissances.

La Turquie, amie ou ennemie ?

Le président turc Recep Tayyip Erdogan, le 24 avril 2024 à Ankara

Le président turc Recep Tayyip Erdogan, le 24 avril 2024 à Ankara

 © / afp.com/Adem ALTAN

En organisant une parade navale, en octobre 2023, pour célébrer le centenaire de la République de Turquie, le président Recep Tayyip Erdogan a envoyé un message clair : son pays est en train de se constituer une industrie de défense compétitive. C’est un élément important de transformation. Qu’un pays comme la Turquie soit présent sur des segments comme les drones, les chars ou des plateformes traduit une volonté de puissance, basée sur la capacité à produire ses propres armes et à limiter les dépendances. Cette volonté pourrait se