Pologne - Déclaration conjointe de M. Emmanuel Macron, Président de la République, et M. Donal Tusk, Premier ministre de la République de Pologne - Propos de M. Emmanuel Macron (Varsovie, 12/12/2024)
=Seul le prononcé fait foi=
Merci beaucoup, Monsieur le Premier ministre, cher Donald, je suis très heureux d'être à vos côtés aujourd'hui à Varsovie, à l'occasion de cette visite qui marque, en effet, une nouvelle page et cette coopération renforcée entre la Pologne et la France. Et permettez-moi, avant toute chose, de vous souhaiter un bon anniversaire, si je puis dire, puisque cela fait un an, jour pour jour, que vous êtes à ces responsabilités avec un agenda volontariste que l'on voit dans le pays et en Europe. Et donc vous avez le plein soutien de la France à cet égard. Vous avez tout dit, Monsieur le Premier ministre, cher Donald, à l'instant, et je voulais revenir sur quelques points.
D'abord, évidemment, l'Ukraine. Je veux ici saluer le rôle que joue la Pologne depuis le début de la guerre d'agression lancée par la Russie. Votre rôle en tant que voisin, votre rôle dans le soutien militaire et aussi tous les noeuds logistiques qui nous permettent d'assurer ce soutien militaire, mais également le rôle et le soutien humain et humanitaire que vous, votre population, depuis le premier jour assurent. Et je veux vous dire que nul en France ne sous-estime véritablement la charge qui est la vôtre et ce que représentent les conséquences directes et indirectes de cette guerre depuis le premier jour. Et je crois que tous les Européens doivent en avoir pleinement conscience. Je veux aussi dire ici que nous sommes pleinement alignés pour, évidemment, avoir ce soutien à l'Ukraine, aux Ukrainiens dans cette phase importante, alors même que les attaques russes se poursuivent, et que nous avons une vision aussi très commune pour dire que, seule une paix durable est la paix possible, c'est-à-dire une paix qui soit négociée par les Ukrainiens et qui leur permette d'avoir des solutions de sécurité dans la durée. Et au fond, nous partageons, et nous venons encore de le mesurer, la même volonté de dire pas de paix en Ukraine sans les Ukrainiens, c'est-à-dire que nul ne peut discuter pour les Ukrainiens en leur nom des concessions à faire, des points à porter, c'est aux Ukrainiens de le faire, mais pas de sécurité en Europe sans les Européens. Et c'est ça, l'importance aussi du débat que nous avons et les discussions qui sont en cours, c'est qu'évidemment, la paix soutenable en Ukraine, c'est une sécurité durable en Europe. Et à cet égard, la coordination entre nos pays est très importante, d'abord pour définir des garanties de sécurité le jour d'après, et chacun en engageant pour lui-même.
Et je pense que ce que le Premier ministre vient de dire est très important. Je partage la même philosophie. La France ne veut pas être engagée par quiconque d'autre, et je pense qu'il est légitime que la Pologne ne soit engagée par quiconque d'autre. Et c'est ainsi, en tant qu'Etat souverain, conscient des intérêts qui sont en jeu aussi en Ukraine et de l'avenir de notre continent, que nous voulons avancer. Mais je veux redire ici, évidemment, le caractère essentiel de ce conflit pour nous. Et c'est d'ailleurs ce qui a nourri la rencontre trilatérale que j'ai organisée il y a quelques jours à Paris entre le Président élu Donald Trump et le Président Zelensky. Les Etats-Unis d'Amérique vont jouer un rôle dans les semaines, les mois qui viennent renouvelés. Et je veux ici remercier l'administration Biden de son soutien depuis le 1er jour et de son travail étroit avec les Européens. Mais l'administration Trump a indiqué sa volonté, justement, d'essayer d'infléchir la ligne de ce conflit. Et il nous faut donc travailler de manière très étroite avec les Américains, avec, évidemment, l'Ukraine, pour trouver un chemin possible qui prenne en compte les intérêts de l'Ukraine, sa souveraineté, et les intérêts des Européens et leur sécurité, et c'est cette philosophie que nous poursuivons. Nous aurons d'ailleurs à poursuivre ensemble la semaine prochaine dans le cadre du Conseil européen puisque nous reviendrons sur la mise en oeuvre de l'accord du G7 qui prévoit une aide à l'Ukraine de 50 milliards de dollars. L'Europe est au rendez-vous à cet égard pour l'aide d'aujourd'hui, pour la reconstruction, pour les livraisons d'armes et dans tous les domaines, si je puis dire, du conflit. Et je pense que c'est très important ici de le rappeler.
Au-delà de cela, vous venez de le rappeler, tu viens de le dire, cher Donald, il est clair que la Russie multiplie, on le voit, les attaques informationnelles et son poids sur les élections un peu partout en Europe. La Moldavie a subi ces attaques et je me félicite de la réélection de la présidente Maia Sandu. Mais qu'a-t-elle subi ? Heureusement, nous avons déployé des instruments de cyberdéfense, du soutien pour lutter contre la désinformation, mais il faut multiplier nos efforts à l'égard de ces pays. La Géorgie a clairement subi des attaques très claires, des manipulations, et je veux ici redire tout notre soutien aux défenseurs de la démocratie et d'un chemin européen en Géorgie. Et la grande préoccupation que nous avons à l'égard des répressions très dures qu'il y a à l'égard de la jeunesse, des déclarations préoccupantes du chef du gouvernement et de la trahison, au fond, du chemin européen dès après les élections et, au fond, du contraire complet de ce qui avait été dit aux électeurs tout au long de la campagne.
Nous avons vu en Roumanie les attaques informationnelles qui avaient été subies, conduisant la Cour suprême à suspendre le processus. Et donc, cette préoccupation doit être au coeur, et c'est un réveil en quelque sorte civique, démocratique, auquel nous appelons en Europe. Ne soyons pas naïfs, nos temps électoraux, notre vie informationnelle est aujourd'hui de plus en plus manipulée par des attaques hybrides, informationnelles, d'acteurs russes, qu'ils soient d'ailleurs des acteurs clandestins ou que ce soit des proxys, et donc, des acteurs privés qui agissent au nom de celui-ci. Et je partage la préoccupation du Premier ministre Tusk exprimée à l'instant. Nous devons renforcer en européen véritablement notre surveillance et la protection d'un cadre informationnel non manipulé, c'est un travail que nous avons lancé en France qui doit se poursuivre en Europe et je partage cela.
Au-delà de cela, nous aurons à échanger sur les enjeux de sécurité de défense européenne. Et là-dessus, mon message est simple. Les Européens doivent évidemment renforcer encore leur investissement en la matière, mais aussi investir pour développer une base industrielle européenne de défense et réduire nos dépendances stratégiques. Et je sais combien la grande nation de défense qui est la vôtre partage cette volonté. Tout cela, nous allons le discuter la semaine prochaine, mais nous aurons aussi à le poursuivre sous la présidence polonaise du Conseil de l'Union européenne au 1er semestre 2025 où vous aurez un rôle à jouer en la matière, puisque vous aurez à conduire les débats sur le livre blanc de la Commission sur l'avenir de la défense européenne, sur nos sujets de financement, sur l'importance du programme européen pour l'industrie de défense européenne, dit EDIP, et justement permettre le développement de cette base.
Et puis, vous aurez un rôle très important dans ce cadre, et nous allons en parler à l'instant, qui est aussi d'accélérer la mise en oeuvre de notre agenda économique, technologique. Notre Europe est face à des grandes transitions, et on le voit bien, qu'il s'agisse d'intelligence artificielle, de climat et de technologies vertes, de défense et de sécurité, il y a une révolution qui s'opère à travers le monde, des investissements massifs qui sont faits aux Etats-Unis d'Amérique et en Chine, et une accélération très claire des innovations dans tous ces domaines. L'Europe, aujourd'hui, ne va pas au bon rythme et a une ambition qui est insuffisante. Et donc, notre responsabilité va être, ensemble, de donner cette impulsion et d'avoir un calendrier très resserré et de nourrir le volontarisme de la Commission pour être au coeur de celle-ci. Nous aurons beaucoup d'autres sujets. Parmi eux, beaucoup de sujets qu'on partage, et une vraie convergence, vous l'avez dit, nous reviendrons à coup sûr sur l'impact de l'accord signé - et il n'est que signé, je le rappelle - entre l'Union européenne et le Mercosur. Cet impact est massif sur nos filières agricoles. Nous avons la même vision des choses, on vient d'en parler à l'instant. J'ai dit mon désaccord avec l'accord tel qu'il nous avait été fourni, et nous attendons les précisions de la part de la Commission européenne. Mais très clairement, nos agricultures ne seront pas les sacrifiées au fond d'un mercantilisme du siècle d'avant. Et donc, il faut penser stratégique. Le commerce doit être articulé avec le climat, avec un cadre de souveraineté, avec l'utilisation des terres rares et matériaux rares. Mais dans la souveraineté, il y a la souveraineté alimentaire et agricole et elle ne peut pas être sacrifiée au reste.
Enfin, cette visite nous permet aussi de faire avancer les travaux sur la préparation d'un nouveau traité bilatéral entre la Pologne et la France. Et je suis très heureux, vous en avez parlé, Monsieur le Premier ministre, que nous scellions cet accord. Il s'inscrit dans une histoire très longue, et Nancy n'est qu'un clin d'oeil à cette histoire. J'étais tout à l'heure, m'incliner devant le statut du Général de Gaulle, qui rappelle une autre fidélité, il y a un siècle, entre nos deux pays et cette fraternité d'armes qui unit la Pologne et la France. Mais ce traité va permettre dans les domaines stratégiques, de la défense à l'énergie, en passant par le nucléaire, la coopération scientifique, linguistique, culturelle, de sceller des liens encore plus forts entre nos deux pays. Et je suis très heureux de cela.
Je veux vous dire ici la grande amitié de la France à l'endroit de la Pologne. Je veux dire que dans ces temps si bousculés, où on le voit bien dans nos pays, beaucoup de questions se posent, de colères parfois peuvent naître. Il est important d'agir ensemble face à ces défis. Et je crois pouvoir dire que c'est le cas pour nos deux pays et pour nous. Et ça se nourrit aussi plus modestement que cette grande histoire que je veux convoquer par une amitié plus personnelle, nous nous connaissons depuis près de 10 ans maintenant, et je veux dire ici toute la confiance que j'ai à ton égard, cher Donald. Et donc merci d'être là et merci de tout ce que nous faisons ensemble./.
(Source : site Internet de la présidence de la République)
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