Thursday, October 24, 2024

France - Liban - Conférence de presse conjointe de M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, et de M. Najib Mikati, président du Conseil des ministres de la République libanaise, en clôture de la Conférence internationale de soutien à la population et à la souveraineté du Liban - Propos de M. Jean-Noël Barrot (Paris, 24/10/2024)

 Liban - Conférence de presse conjointe de M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, et de M. Najib Mikati, président du Conseil des ministres de la République libanaise, en clôture de la Conférence internationale de soutien à la population et à la souveraineté du Liban - Propos de M. Jean-Noël Barrot (Paris, 24/10/2024)


Mesdames et Messieurs,

Le Liban a besoin de la communauté internationale. Et aujourd'hui à Paris, la communauté internationale a répondu présent.

Nous avons accueilli, à l'initiative du Président de la République et avec les Nations unies, une Conférence internationale de soutien à la population et à la souveraineté du Liban. C'est un moment fort de mobilisation collective en faveur de ce pays si cher, et aujourd'hui si menacé.

Quelle est la situation au Liban ? Au Liban, où je me suis rendu il y a quelques semaines pour mon premier déplacement, le pays est en guerre. Une guerre qu'il n'a pas choisie, une guerre qui a déjà provoqué des destructions sans commune mesure avec celles de 2006. Plus de 2.500 morts, dont deux de nos compatriotes. Plus de 10.000 blessés. Près d'un million de personne - près d'un Libanais sur cinq - qui ont quitté leur foyer. La moitié des centres de santé ont dû fermer. 500.000 enfants n'ont plus accès à leur école. 5.000 hectares de terres ont été détruits.

Cette guerre menace la cohésion même de ce pays, déjà profondément fragilisé ces dernières années par une succession inouïe de crises politiques et économiques. Ce sont 15 années de croissance au Liban qui ont été effacées.

Dans ce contexte dramatique, la France a pris l'initiative de cette conférence de soutien. D'abord parce que le Liban n'est pas pour la France un pays comme les autres. Le général de Gaulle le disait : dans tout coeur de Français, le nom seul du Liban fait remuer quelque chose de très particulier. Les Libanais ont été, à travers les siècles, le seul peuple dont jamais le coeur n'a cessé de battre au rythme du coeur de la France. Le Liban est plus qu'un peuple ami, c'est un peuple frère.

Ensuite parce que la France se tient toujours aux côtés des victimes des conflits armés, où qu'ils soient, et au premier rang de la réponse aux crises humanitaires. Il y a quatre ans, après l'explosion du port qui a dévasté la ville de Beyrouth, la France, cinq jours après, a rassemblé la communauté internationale pour apporter son aide et financer sa reconstruction. Il y a un an, après le massacre terroriste du 7 octobre, la France, un mois après, a réuni une conférence pour Gaza à Paris. Aujourd'hui, un mois après le début de l'escalade militaire au Liban, la France organise une conférence de soutien à sa population et à sa souveraineté. La France est et sera toujours à l'initiative pour soutenir les peuples qui souffrent, sera toujours du côté du droit international, du droit international humanitaire et de la justice.

Cette conférence a produit des résultats significatifs sur le plan diplomatique. Les 70 pays, les 15 agences des Nations unies que nous avions conviées ont répondu présent.

Avec la force du collectif, avec le poids du concert des nations, les participants rassemblés aujourd'hui se sont accordés sur l'urgence d'une solution diplomatique permettant d'assurer une sécurité durable aux populations, en Israël comme au Liban. Cette solution, nous en connaissons les contours, le Président de la République les a rappelés tout à l'heure. Elle passe par la pleine mise en oeuvre de la résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations unies. Il s'agit de faire cesser les hostilités de part et d'autre de la frontière, de déployer massivement les forces armées libanaises au sud du pays, de renforcer la capacité de la FINUL à mettre en oeuvre son mandat, et de régler le contentieux sur la frontière terrestre. Le Hezbollah, qui porte une lourde responsabilité dans cette guerre, doit cesser ses attaques et se conformer aux résolutions des Nations unies. Et la France poursuit ses efforts en ce sens auprès de tous les acteurs de la région.

Sur le plan humanitaire, nous avons adressé un message de soutien et de solidarité aux Libanais en apportant une aide concrète. Ensemble, nous avons mobilisé plus de 800 millions de dollars, un engagement collectif à la hauteur des besoins identifiés par les Nations unies. La France prend toute sa part à cet effort : le Président de la République a annoncé une nouvelle aide française portant notre contribution à la réponse humanitaire à 100 millions d'euros. À ce montant, il faut ajouter notre aide en nature. Déjà, plusieurs vols humanitaires, chargés de 40 tonnes de médicaments, de matériel médical et d'autres produits de première nécessité, sont parvenus au Liban. Ces vols se poursuivront, et nous allons mobiliser encore 100 tonnes de fret humanitaire dans les semaines et mois qui viennent.

La France, ami du Liban, ne lui fera pas défaut. La France toute entière. Ce sont toutes les forces vives de la nation, associations, entreprises, fondations, collectivités territoriales qui se mobilisent aux côtés de l'Etat. Lundi, j'ai lancé un appel aux dons. Il a été entendu. Et déjà les groupes CMA-CGM, BNP Paribas, Engie, Sanofi et Tulipe se sont engagés à nos côtés, apportant leur soutien aux opérations humanitaires et des contributions additionnelles de plus de trois millions d'euros. Je veux ici les remercier, comme j'ai eu l'occasion de le faire de vive voix lundi dernier. Et je vais appeler toutes les collectivités, toutes les fondations, toutes les entreprises qui souhaiteraient à leur tour, et dans le sillage des entreprises que je viens de citer, se mobiliser au service du Liban. Et je leur dis qu'elles peuvent, si elles ne savent pas très bien comment s'y prendre, se tourner et se signaler au service de mon ministère, le centre de crise et de soutien, qui les mettra en relation avec les acteurs de confiance qui, sur le terrain, apportent des réponses aux populations au Liban.

Ce soutien humanitaire se double d'un soutien international aux forces de sécurité, garantes de l'unité, de l'intégrité et de la souveraineté du Liban. Des engagements ont été pris pour accroître le soutien financier et en nature, notamment pour les forces armées libanaises, à hauteur de 200 millions de dollars. Il s'agit aujourd'hui de donner aux forces de sécurité les moyens de préserver la paix civile dans un contexte tendu par la guerre et les déplacements de populations. Il s'agira demain de permettre à l'armée de prendre toute sa part à un règlement diplomatique dont nous savons bien qu'il passe par son déploiement renforcé au Sud-Liban, en coopération étroite avec la FINUL, conformément à la résolution 1701.

L'horizon pour le Liban, quel est-il ? C'est un Etat fort, souverain, disposant du monopole de la force légitime, capable d'assurer la protection de toutes les communautés. Aucune puissance extérieure ne peut imposer durablement l'hégémonie d'une communauté au Liban. Le Liban est pluriel et il le restera. La communauté chiite, qui est aujourd'hui la plus directement touchée par la guerre, a toute sa place au Liban. Elle doit pouvoir vivre en sécurité, sous la protection de l'Etat. Cet Etat doit avoir un chef. Que la guerre se poursuive ou que les négociations s'ouvrent, il est inconcevable de laisser aujourd'hui le Liban sans président qui puisse le rassembler et le représenter, qui puisse être le visage et la voix de l'unité du Liban. C'est la condition de la préservation de l'unité et de l'existence même de l'Etat libanais. Jean-Yves Le Drian, l'envoyé du Président de la République pour le Liban, a réuni à cet effet ce matin nos partenaires du Quintette, groupe formé par la France, les Etats-Unis, l'Arabie saoudite, le Qatar et l'Egypte pour faciliter l'élection d'un nouveau président libanais. Nous allons continuer nos bons offices collectifs pour pousser les Libanais à s'accorder. C'est une décision qui leur appartient, et il est plus que temps.

Mesdames et Messieurs, nous avons donc répondu à l'appel des Libanais aujourd'hui. Avec 800 millions de dollars pour l'aide humanitaire, 200 millions de dollars pour le soutien aux forces armées libanaises, c'est plus d'un milliard de dollars qui est mobilisé aujourd'hui à Paris pour le Liban. Nous assurerons un suivi attentif de cette conférence, et nous poursuivrons nos efforts diplomatiques pour mettre fin à la guerre et aider le Liban à se redresser durablement. C'est notre responsabilité collective.

Je vous remercie.

Q - La France s'active dans tous les sens. Vous-même et M. le Président, vous avez qualifié le nombre de victimes parmi les civils libanais d'injustifiable. Quels sont aujourd'hui les leviers de la France pour pousser, pour convaincre ceux qui tuent d'arrêter de tuer les civils libanais ?

R - Le levier dont dispose la France, c'est celui de la diplomatie. Et ça n'est pas un hasard s'agissant du Liban, et je rappelle que c'est la France qui tient la plume sur les sujets libanais au Conseil de sécurité des Nations unies, ça n'est pas un hasard si la France a mis sur la table, il y a à peu près un mois avec les Etats-Unis, une proposition de trêve suivie ou permettant la mise en oeuvre de la résolution 1701 et de la résolution 2735 qui, elle, concerne Gaza. Cette proposition n'a pas été conçue dans une tour d'Ivoire : elle est le fruit de nombreuses semaines d'échanges avec les parties à ce conflit régional, qui consistait à vouloir tracer un chemin pour une cessation des hostilités le plus rapidement possible. Si la France, aujourd'hui, peut mener de tels efforts diplomatiques, c'est précisément parce que les pays du monde qui nous regardent et qui nous regardent aujourd'hui savent que la France est toujours du côté du droit international, du droit international humanitaire et de la justice.

La conférence que nous avons tenue aujourd'hui était effectivement l'occasion de faire passer des messages diplomatiques. C'était surtout, si je puis dire, ou en premier lieu, le moment d'une mobilisation collective pour répondre à l'urgence humanitaire, à l'urgence humaine, au drame humain qui se joue aujourd'hui tristement au Liban. Mais c'est précisément parce que la France, comme je l'ai dit tout à l'heure, après l'explosion du port, après le 7 octobre à Gaza, et aujourd'hui après l'escalade des violences au Liban, qui se mobilise, parce qu'elle ne sait pas fermer les yeux ou détourner les yeux d'une situation humanitaire critique. Que lorsqu'elle parle et qu'elle propose un chemin vers la paix, elle est entendue.

Nous sommes face à une guerre ou un embrasement, un quasi embrasement régional. Et donc il faut redoubler d'efforts, de conviction, auprès de toutes les parties prenantes, pour tenter d'enrayer l'engrenage de la violence. Et ça n'est pas facile, parce que les guerres ont leur propre dynamique. Mais soyez sûr que du Président de la République à nos ambassadeurs, dans des postes exposés à des situations extrêmement compliquées, en passant par le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, nous y consacrons une part essentielle de notre temps.

Q - Avec ce montant de 800 millions, si on ne parle que de l'aide humanitaire, quelles sont les garanties que ce seront effectivement les gens, la population libanaise, ces déplacés, qui vont y avoir accès ? Et quelles sont les garanties que ça va arriver à eux, et les garanties sécuritaires, vu la situation actuelle au Liban ?

R - C'est une très bonne question, mais c'est une question qui est résolue de longue date, si je puis dire. Puisque, et je voudrais rendre hommage aux équipes du Quai d'Orsay, avec le centre de crise et de soutien, nous avons établi, dans un grand nombre de pays qui ont déjà subi des crises par le passé, des partenariats de confiance avec les acteurs sur place pour nous assurer que l'aide humanitaire que nous consentons à titre national parvienne bien jusqu'à de bonnes mains. Pourquoi, quand je lançais mon appel tout à l'heure aux collectivités et aux entreprises qui hésiteraient à apporter leur pierre à cet édifice collectif de soutien humanitaire au Liban ? Nous avons des instruments de confiance et sûrs qui peuvent leur permettre d'apporter leur soutien au Liban, même s'ils ou elles ne disposent pas à ce jour de canaux de confiance pour le faire. Quant à l'aide internationale, elle arrivera au Liban par différents canaux, et notamment par le biais des organisations onusiennes ou des ONG qui ont participé à nos échanges aujourd'hui, et qui ont leurs propres connexions ou modes opératoires au Liban, mais qui font oeuvre aussi d'une très grande transparence et traçabilité pour pouvoir rendre des comptes à leurs donateurs.

Q - Monsieur le Ministre, on parle tout le temps de la résolution 1701. Vous l'avez évoqué tout à l'heure, vous l'aviez évoqué avant, le Président de la République, Monsieur Mikati... Tout le monde parle de ça. Mais on ne sait pas comment vous envisagez l'application de cette résolution, et je ne sais pas si vous avez réellement une coordination avec vos partenaires américains, qui ont une lecture un peu différente de la vôtre. Est-ce que vous pouvez, une fois pour toute, nous dire comment vous envisagez l'application, quelle est votre compréhension de cette résolution ? Est ce qu'il faut la modifier ? Est ce qu'il faut des choses supplémentaires ? Est-ce qu'il faut la compléter ? Est ce qu'il faut une autre résolution ? On est complètement dans le noir.

R - Non, je ne crois pas qu'on soit dans le noir. Vous vous évoquez nos partenaires américains. D'abord, je veux saluer leur contribution exceptionnelle à cette conférence : c'est près de 300 millions de dollars qui sont apportés par les Etats-Unis. Saluer la qualité des échanges que nous entretenons à tous les niveaux ; à mon niveau avec Antony Blinken, que j'ai très régulièrement au téléphone, et que je reverrai très prochainement. Et je le disais tout à l'heure, l'initiative franco-américaine que nous avons prise il y a un mois est et reste, si je puis dire, la base de nos réflexions pour trouver la formule qui permettra d'assurer à la fois la sécurité d'Israël, à permettre aux 60.000 déplacés israéliens de revenir chez eux, mais qui permettra aussi de garantir l'unité, la souveraineté du Liban, et permettre aux déplacés libanais de revenir chez eux également. Si tout le monde parle de la 1701, c'est précisément parce que la 1701 fixe un cadre qui envisage à la fois la sécurité d'Israël, l'unité et l'intégrité, la souveraineté du Liban.

Et pour son application, eh bien il faut ensuite rentrer dans les détails. C'est vrai, vous avez raison, tout n'est pas détaillé dans les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies. Mais je vous ai donné quelques-unes des conditions de l'application pleine et entière de la 1701 tout à l'heure : faire cesser les hostilités de part et d'autre de la frontière, déployer massivement les forces armées libanaises au sud du pays, renforcer les capacités de la FINUL à mettre en oeuvre son mandat, régler le contentieux sur la frontière terrestre. Voilà quels sont nos objectifs. C'est plus facile à dire qu'à faire, j'en conviens, sans quoi la 1701 serait pleinement appliquée depuis quasiment 20 ans. Clairement, ça n'a pas été le cas. L'objectif cette fois-ci, c'est de trouver les conditions qui assurent l'application durable de l'esprit de la résolution 1701, de manière à ce que la paix revienne de part et d'autre de la ligne bleue et que l'unité du Liban soit durablement préservée.

Q - Juste pour prolonger : est-ce que la France s'oppose à toute modification du mandat de la 1701 ?

R - Vous savez, ce n'est pas vraiment la question, de savoir si on est favorable ou si on s'oppose. La question, c'est que nous avons aujourd'hui une résolution à laquelle beaucoup de partenaires se réfèrent ; de laquelle chacun consent à dire que sans doute y a-t-il eu un problème dans la mise en oeuvre effective, ce qui fait qu'à partir de 2006, globalement, la situation s'est écartée progressivement, de plus en plus, des objectifs de la 1701. Je dirais que la question n'est pas tant de savoir s'il faut changer la résolution elle-même que de savoir quels sont les mécanismes de mise en oeuvre pour que les grands principes de cette résolution soient effectivement appliqués. Je crois que c'est vraiment ça qui doit nous occuper dans les heures, dans les jours qui viennent. Parce que dès lors que nous aurons réuni ces conditions, il n'y aura plus de raison, plus aucune raison pour que se poursuivent les hostilités.

Q - Monsieur le Ministre, vous venez de dire que cette rencontre, cette réunion a envoyé plusieurs messages. Quel est le message que vous envoyez à Israël, surtout à M. Benyamin Netanyahou ? Vous qui cherchez, la France, la communauté internationale, à mettre fin à cette guerre ? Sachant qu'hier, M. le Premier ministre israélien avait déclaré à une chaîne française qu'il est là pour libérer le Liban du Hezbollah et de l'Iran. Quel est le message que vous envoyez à Netanyahou pour qu'il arrête, qu'il écoute la communauté internationale ?

R - Le message, il est simple : il faut cesser le feu. La France se tient aux côtés d'Israël, et c'est précisément parce que la France est indéfectiblement attachée à la sécurité d'Israël que nous considérons qu'aujourd'hui la sécurité d'Israël sera mieux assurée durablement par le recours à la diplomatie, à la négociation, que par le recours à la force. Voilà le message que nous adressons aujourd'hui, mais que nous adressons depuis des jours et des semaines maintenant au gouvernement israélien. Parce que nous avons cette conviction très ancrée que la poursuite des hostilités n'est dans l'intérêt de personne, d'aucune des parties à ce conflit, et qu'au contraire, par la négociation, des garanties de sécurité peuvent être trouvées pour Israël, pour ramener les 60.000 déplacés israéliens dans leurs maisons, ce qui est un objectif légitime./.

Retour sommaire


No comments:

Post a Comment