Politique étrangère - Turquie - Syrie - Ukraine - Russie - Entretien de Mme Anne-Claire Legendre, porte-parole du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, avec "France 24" (Paris, 17/02/2023)
Q - Avec nous sur ce plateau, Anne-Claire Legendre, bonsoir.
R - Bonsoir.
Q - Vous êtes porte-parole du ministère de l'Europe et des affaires étrangères. La France a annoncé la semaine dernière le déblocage d'une aide humanitaire de 12 millions d'euros pour les victimes du séisme en Syrie. Est-ce que vous pouvez nous en dire un peu plus sur cette aide ? De quelle manière est-elle en train d'être utilisée ?
R - Nous avons immédiatement mis en place une aide à la fois pour la Syrie mais aussi pour la Turquie, avec des équipes de secours qui ont été déployées sur place. Malheureusement, en Syrie, nous ne pouvons pas avoir accès aux populations, puisque l'accès humanitaire est extrêmement limité. Les Nations unies ont réussi à obtenir l'ouverture de deux points de passage supplémentaires, et nous travaillons avec les Nations unies et avec quelques ONG internationales qui sont autorisées à travailler sur le terrain pour apporter de l'aide humanitaire d'urgence à la population syrienne dans le besoin.
Q - Donc vous n'intervenez pas directement ?
R - Non, nous ne pouvons pas le faire. C'est pour nous la nécessité de passer par le biais des Nations unies et des ONG internationales autorisées dans ce cadre.
Q - L'ONU a lancé un nouvel appel d'urgence aux dons cette semaine, un appel d'un milliard de dollars ; est-ce que vous comptez débloquer de nouvelles aides ?
R - Absolument. La France a toujours été en soutien du peuple syrien, et notamment depuis le début de la guerre en Syrie en 2011. C'est plus de 27 milliards qui ont été dépensés par l'Union européenne pour soutenir la Syrie ; et côté français, rien qu'en 2022, c'est plus de 370 millions qui ont été apportés par la France pour soutenir la population syrienne affectée par le conflit. Notre engagement aux côtés du peuple syrien reste fort et nous serons évidemment mobilisés pour appuyer l'aide humanitaire nécessaire pour soutenir les populations syriennes affectées par ce conflit.
Q - Vous parlez des populations syriennes, mais il y a aussi le régime syrien avec qui la France est en rupture. Est-ce que ce séisme a permis de rétablir quelques relations diplomatiques avec la Syrie ?
R - Non, absolument pas, et d'ailleurs nous avons pu déplorer qu'il ait fallu sept jours à Bachar al-Assad pour autoriser des points de passage supplémentaires, ce qui a conduit à priver la population syrienne d'un apport humanitaire qui était absolument nécessaire pour lui porter secours dans cette situation tragique. Il n'y a aucune raison aujourd'hui d'avancer dans une quelconque normalisation avec le régime syrien qui continue de nuire à sa propre population. Il y a politiquement un cadre qui a été défini par les Nations unies, une résolution du Conseil de sécurité qui prévoit que seule une solution politique permettra d'avancer vers une hypothétique normalisation, et à ce stade, malheureusement, le régime syrien n'a donné aucun signe en ce sens.
Q - Il n'y a donc aucun domaine dans lequel vous coopérez aujourd'hui avec le régime syrien ?
R - Non, nous passons par les Nations unies, comme je l'indiquais. C'était la raison pour laquelle il était si important que les Nations unies puissent obtenir l'ouverture de deux points de passage, ces deux points de passage sont aujourd'hui ouverts pour trois mois ; c'est évidemment insuffisant pour apporter toute l'aide humanitaire nécessaire à la population syrienne, et il faudra que ces points de passage restent ouverts.
Q - Il est aussi question que la France octroie des visas d'urgence pour les personnes victimes des séismes en Turquie et en Syrie ; on en est où exactement ?
R - A ce stade, l'urgence est vraiment sur le terrain, c'est sur cela que nous concentrons notre effort, et d'ailleurs nous allons, on l'annoncera demain, envoyer un nouveau fret de 40 tonnes de matériel d'urgence pour soutenir les populations sur le terrain. Malheureusement, la phase de recherche s'achève ; on a vu qu'il y avait encore trois personnes qui avaient été découvertes dans les décombres, mais l'espoir de retrouver des survivants est maintenant minime. Aujourd'hui, la priorité va être de soutenir toutes ces populations qui se trouvent dans les débris des villes détruites par le séisme et de pouvoir les assister au quotidien.
Q - De quelle manière ?
R - L'aide très concrète que nous apportons, c'est plus de 600 tentes qui permettront d'héberger 3.000 personnes, mais aussi du lait infantile parce que vous savez que les enfants se trouvent dans des situations particulièrement critiques, aujourd'hui, mais aussi des générateurs, du matériel de chauffage qui va permettre d'assister les populations dans leur survie quotidienne qui est le point qui se pose aujourd'hui.
Q - Je voudrais qu'on aborde un autre sujet avec vous. Aujourd'hui s'est également ouverte la conférence de Munich sur la sécurité ; la guerre en Ukraine est au coeur des discussions. Emmanuel Macron a appelé cet après-midi à intensifier l'aide à Kiev. On va voir ça en images et on va en parler juste après.
(...)
Q - Anne-Claire Legendre, porte-parole du Quai d'Orsay, vous êtes toujours avec nous. On vient d'entendre Emmanuel Macron : l'heure n'est plus au dialogue. Est-ce qu'on peut dire tout de même que c'est finalement l'échec de notre diplomatie ?
R - Absolument pas. Aujourd'hui, notre priorité, c'est d'aider l'Ukraine pour faire face à ce qui est une agression sur son territoire. L'Ukraine agit en légitime défense et nous sommes mobilisés depuis un an pour la soutenir. Donc c'est la poursuite de nos efforts aujourd'hui. C'est ce que nous avons fait, la semaine dernière. Vous savez que le président Zelensky était à Paris, il était à Bruxelles, et nous avons annoncé à cette occasion un renforcement significatif de notre aide à l'Ukraine. Quand le Président dit : il n'y a pas de dialogue, c'est qu'il n'y a pas de place pour la négociation aujourd'hui. La Russie le démontre chaque jour en poursuivant ses frappes contre des infrastructures civiles, contre des civils, en commettant des crimes de guerre. On voit bien qu'elle est en train aujourd'hui de remobiliser, avec le risque qu'évoquait le président Zelensky d'une nouvelle offensive.
Q - Le président Zelensky a de nouveau lancé un appel à répondre de manière plus rapide à ses attentes. De quelle manière comptez-vous répondre à cet appel, justement ?
R - Cet appel est, je dirais, de deux natures : la première, c'est l'aide militaire. Le ministre de la défense ukrainien était à Paris, il y a encore quelques jours. Il a été à cet égard annoncé que nous allons intensifier notre effort, notamment sur deux domaines qui sont aujourd'hui prioritaires pour les Ukrainiens pour faire face à ces frappes. Les deux domaines, c'est l'artillerie - la France a annoncé 12 canons Caesar supplémentaires et vous savez que nous avons aussi travaillé avec nos amis danois pour faire en sorte que 14 autres puissent parvenir très rapidement aux Ukrainiens - c'est donc une offre significative, en matière d'artillerie, qui va venir renforcer les capacités ukrainiennes. Et le deuxième point, c'est évidemment la défense antiaérienne puisqu'il faut lutter contre ces frappes qui viennent cibler la population civile et là-dessus, nous avons aussi fait des annonces importantes avec un radar, des nouveaux systèmes antiaériens, les Mamba, mais aussi la promesse qui a été faite par le Président de la République et le ministre des armées de reconstituer ces stocks. En effet, c'est aujourd'hui la rapidité qui compte, et c'est ce à quoi nous nous sommes engagés.
Q - Il est aussi question d'un nouveau train de sanctions contre la Russie de la part de Washington et de ses alliés. Est-ce que vous pourriez nous en dire un peu plus ? Sur quoi porteraient ces sanctions ?
R - Absolument, nous travaillons à un autre paquet de sanctions. Vous savez que c'est le dixième que nous opposons à la Russie. C'est un effort sans précédent qui est fait par l'Union européenne, en coordination avec nos alliés du G7 notamment, pour toucher cette économie de guerre qui permet à Vladimir Poutine de continuer son agression. La Ministre, Mme Colonna, sera à Bruxelles, lundi, pour le Conseil des Affaires étrangères, et ce sera la discussion qu'elle aura avec ses partenaires que de renforcer ces sanctions, à la fois en touchant des technologies particulièrement cruciales, mais aussi en touchant des nouvelles personnalités proches de ces cercles qui soutiennent la guerre en Russie.
Q - Le 24 février prochain marquera le premier anniversaire de l'invasion russe. On redoute à cette occasion que la Russie mène une offensive de grande ampleur pour marquer le coup. De quelle façon, vous, les Européens, comptez-vous également marquer le coup ?
R - Ce que nous avons fait, c'est ce discours qu'a prononcé le Président de la République et le message qui est le nôtre qui est que nous allons intensifier notre soutien ; mais aussi, comme le disait le Président de la République, montrer notre unité face à cette menace russe et à cette volonté qui est poursuivie, sans aucune volonté de négociation, comme je le soulignais, de violer l'intégrité territoriale et d'agresser un pays souverain. Nous sommes unis et nous renforçons notre aide à l'Ukraine. Cela se traduit à la fois par de l'aide militaire, par de l'aide sur le terrain, en soutien aux populations ukrainiennes. Cela se traduit aussi aux Nations unies. Il y aura le 23 et le 24 février un certain nombre d'échéances aux Nations unies auxquelles participera la Ministre qui permettront de manifester cette condamnation de la communauté internationale.
Q - Anne-Claire Legendre, merci beaucoup d'avoir été sur le plateau de France 24.
R - Merci à vous
Q - On retient donc ce nouveau train de sanctions qui va être effectivement adopté contre la Russie, et puis sur la question de l'aide à la Syrie et à la Turquie, ce fret qui va donc être envoyé à partir de demain pour venir en aide aux populations. Merci à vous d'être venue sur France 24./.
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