LE MONDE - Le 23 Février 2025
Allemagne : ce qu’il faut savoir sur les élections législatives du 23 février
Par Pierre Breteau
Publié aujourd’hui à 06h30, modifié à 09h46
Temps deLecture 2 min.
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EXPLICATIONS
Dans un contexte politique tendu, marqué par des sondages de plus en plus favorables à l’extrême droite, les élections législatives anticipées vont éprouver la nouvelle logique proportionnelle entérinée en juillet 2023 outre-Rhin.
Un bulletin de vote allemand, avec les deux voix : la première (en noir) et la seconde (en bleu). BUNDESTAG.DE
Dimanche 23 février, les Allemands sont appelés aux urnes pour élire les 630 parlementaires qui siégeront au Bundestag. Voici ce qu’il faut savoir sur ce scrutin, dont dépendra le nom du prochain chancelier.
Pourquoi des élections maintenant ?
Ces élections arrivent après des scrutins locaux peu favorables aux partis de l’ex-coalition du chancelier Olaf Scholz, qui rassemblait les sociaux-démocrates du SPD, les Verts et les libéraux du FDP.
En novembre 2024, sur fond de tensions sur le cap économique à tenir et sur la question de la dette, le chancelier social-démocrate a limogé son ministre des finances libéral, Christian Lindner. Cette décision a provoqué la rupture de la coalition qu’il dirigeait, et l’a conduit à convoquer un vote de confiance au Bundestag, qu’il a perdu le 15 janvier 2025 (par 207 voix favorables, 394 défavorables et 116 abstentions). Dans la foulée, le président Frank-Walter Steinmeier a dissous le Parlement et convoqué des élections pour le 23 février, soit six mois avant la date prévue – le 28 septembre.
Comment fonctionne l’élection ?
Le système électoral allemand est résolument proportionnel. Et la réforme du système électoral adoptée en 2023 a encore renforcé cette philosophie.
La « seconde voix » permet de choisir l’un des partis qui se présentent dans chacun des 16 Länder, en votant pour une liste par parti.
Il y a 299 circonscriptions au total.
La « première voix » permet de choisir l’un des candidats présents dans sa circonscription.
Vote local
Vote régional
Les électeurs votent deux fois sur le même bulletin : une fois dans leur circonscription et une fois dans leur Land.
ÉTAPE 1
Un système à « deux voix »
630 sièges
PARTI F
PARTI E
PARTI D
PARTI C
PARTI B
PARTI A
5 %
10 %
15 %
20 %
Le parti E n’a pas atteint la barre des 5 % ou gagné au moins trois circonscriptions : il n'obtient aucun siège.
C’est le score national réalisé avec les « secondes voix » qui détermine le nombre de sièges attribués à chaque parti. Toutefois, seuls les partis qui ont obtenu au moins 5 % dans tout le pays ou qui ont remporté au moins trois circonscrip- tions avec les « premières voix » participent à cette répartition proportion- nelle. Les autres en sont exclus.
ÉTAPE 2
Répartition proportionnelle des sièges
PARTI A
Sièges attribués au Bundestag
=
PARTI B
PARTI C
– 1
+ 1
PARTI D
Premières voix
Deuxièmes voix
–
– 2
–
Reste à savoir comment répartir les sièges obtenus par chaque parti entre leurs candidats en circonscription et dans les listes par Land. Ce sont les candidats arrivés en tête dans leur circons- cription avec le meilleur score qui sont « prioritaires ». Ensuite, on pioche au besoin dans les noms de la liste régionale dans l’ordre, par Land. Ce faisant, il est donc possible que des candidats arrivés en tête dans leur circonscription ne soient pas élus à cause du mauvais score national de leur parti. Exemple dans un Land dans lequel le parti D n’a pas obtenu assez de « deuxièmes voix » pour participer à la répartition des sièges : il ne garde pas même ses circonscriptions.
ÉTAPE 3
Le choix des députés
Ce mode de scrutin peut paraître étrange d’un point de vue français, puisque l’élection d’un candidat ne dépend pas entièrement de son score local. « Il faut partir du principe que ce système pense d’abord parti politique, et non pas personnalité », resitue Aurore Gaillet, professeure de droit à l’université Toulouse Capitole.
Que disent les sondages ?
La droite, représentée par la démocratie chrétienne (la CDU et son partenaire bavarois, la CSU), fait largement la course en tête, avec environ 30 % des intentions de vote, selon la moyenne des sondages. La formation d’extrême droite AfD a quant à elle ravi depuis l’été 2024 la deuxième place au SPD, recalé à la troisième place. Les Verts, qui ont brièvement trusté la deuxième position dans les sondages à l’été 2022, sont désormais donnés en quatrième position par les études d’opinion.
Démocrates-chrétiens (CDU/CSU)
Extrême droite (AfD)
Sociaux-démocrates (SPD)
Ecologistes (Die Grünen-Bündnis 90)
Gauche populiste (BSW)
Libéraux (FDP)
Gauche radicale (Die Linke)
Divers
jan. 2022
mai 2022
sep. 2022
jan. 2023
mai 2023
sep. 2023
jan. 2024
mai 2024
sep. 2024
jan. 2025
5 %
10 %
15 %
20 %
25 %
30 %
35 %
40 %
ÉLECTIONS LE 23 FÉVRIER →
ÉLECTIONS LE 23 FÉVRIER →
28,9 %
28,9 %
21,2 %
21,2 %
15,7 %
15,7 %
13,5 %
13,5 %
4,4 %
4,4 %
4,2 %
4,2 %
5,8 %
5,8 %
5,4 %
5,4 %
Ce graphique présente les sondages publiés en Allemagne sur les intentions de vote aux législatives du 23 février 2025, en réponse à la question « si l’élection avait lieu ce dimanche, pour quel parti voteriez-vous ? ». Dernière mise à jour le 22 février 2025.
Source : wahlrecht.de
Comment se forment les coalitions ?
Du fait du mode de scrutin allemand, il est extrêmement rare qu’un parti obtienne la majorité à lui tout seul. Ce n’est arrivé qu’une fois, pour les chrétiens-démocrates de la CDU/CSU, en 1957. La vie politique allemande est donc rythmée par la formation de coalitions entre partis qui se rassemblent pour gouverner après s’être affrontés dans les urnes.
Leurs programmes étant souvent difficilement compatibles, il faut parfois plusieurs mois pour établir un accord de gouvernement. Le dernier en date a été conclu en novembre 2021 entre le SPD, les Verts et le FDP autour du social-démocrate Olaf Scholz après deux mois de négociations, et faisait 177 pages. La grande coalition dirigée par Angela Merkel à partir de 2013 a nécessité deux mois de pourparlers pour négocier les 170 pages du contrat de coalition entre les chrétiens-démocrates et les sociaux-démocrates.
En 2025, plusieurs scénarios de coalition semblent possibles au regard des sondages actuels. Isolé jusqu’à peu par un « cordon sanitaire » (qui s’est récemment délité), l’AfD semble a priori exclu d’un futur gouvernement. Au vu de leur niveau dans les sondages, les conservateurs de la CDU/CSU devraient être à la tête de la future coalition. Soit dans un attelage avec les sociaux-démocrates ou les libéraux, comme entre 2005 et 2021, soit en alliance avec les Verts et les libéraux (ce que les Allemands appellent la coalition « Jamaïque » en raison des couleurs de ces partis).
Huit coalitions et neuf chanceliers depuis 1949
Ces graphiques représentent la composition du Bundestag de la République fédérale d’Allemagne (le Parlement allemand) de 1949 à 2025. Les rectangles pleins représentent les groupes de députés de la majorité, les grisés sont ceux de l’opposition.
Légende :
Union chrétienne-démocrate/Union chrétienne-sociale en Bavière (CDU/CSU)
Parti social-démocrate (SPD)
Parti libéral-démocrate (FDP)
Verts + Alliance 90 (B90/DG)
Parti du socialisme démocratique (jusqu'en 2007), puis Die Linke
Alternative pour l’Allemagne (AfD, Alternative für Deutschland)
CHANCELIER OLAF SCHOLZ (2021-2025, SPD)
2021-2025 : coalition SPD, B90/DG et FDP
CHANCELIÈRE ANGELA MERKEL (2005-2021, CDU)
2017-2021 : coalition CDU/CSU et SPD
2013-2017 : coalition CDU/CSU et SPD
2009-2013 : coalition CDU/CSU et FDP
2005-2009 : coalition CDU/CSU et SPD
CHANCELIER GERHARD SCHRÖDER (1998-2005, SPD)
2002-2005 : coalition SPD et B90/DG
1998-2002 : coalition SPD et B90/DG
CHANCELIER HELMUT KOHL (1982-1998, CDU)
1994-1998 : coalition CDU/CSU et FDP
1990-1994 : coalition CDU/CSU et FDP
1987-1990 : coalition CDU/CSU et FDP
1983-1987 : coalition CDU/CSU et FDP
CHANCELIER HELMUT SCHMIDT (1974-1982, SPD)
Quitte la chancellerie à la suite d'une motion des députés en 1982, remplacé par Helmut Kohl (CDU). Des élections anticipées sont ensuite organisées en mars 1983.
1980-1983 : coalition SPD et FDP
1976-1980 : coalition SPD et FDP
CHANCELIER WILLY BRANDT (1969-1974, SPD)
Démissionne de la chancellerie en 1974, remplacé par Helmut Schmidt (SPD).
1972-1976 : coalition SPD et FDP
1969-1972 : coalition SPD et FDP
CHANCELIER LUDWIG ERHARD (1963-1966, CDU)
Démissionne de la chancellerie en 1966, remplacé par Kurt Georg Kiesinger (CDU) jusqu'en 1969.
1965-1969 : coalition CDU/CSU et SPD
CHANCELIER KONRAD ADENAUER (1949-1963, CDU)
Démissionne de la chancellerie en 1963, remplacé par Ludwig Erhard (CDU).
1961-1965 : coalition CDU/CSU et FDP
1957-1961 : coalition CDU/CSU et PA
1953-1957 : coalition CDU/CSU, FDP et PA
1949-1953 : coalition CDU/CSU, FDP et PA
Source : Commission des élections fédérales
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