Wednesday, September 18, 2024

France - Arménie - Conférence de presse conjointe de M. Stéphane Séjourné, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, avec M. Ararat Mirzoyan, ministre arménien des affaires étrangères - Propos de M. Stéphane Séjourné (Erevan, 16/09/2024)

 France Arménie - Conférence de presse conjointe de M. Stéphane Séjourné, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, avec M. Ararat Mirzoyan, ministre arménien des affaires étrangères - Propos de M. Stéphane Séjourné (Erevan, 16/09/2024)


Monsieur le Ministre,

Merci beaucoup pour cet accueil si chaleureux. Je suis très honoré, très heureux également d'être aujourd'hui en Arménie, pays si proche du coeur des Français. Et c'est la première fois que je me rends dans votre pays dans mes fonctions, et c'est un moment fort et un moment d'émotions. Emotion que j'ai ressentie d'ailleurs hier à mon arrivée en Arménie au Mémorial dédié aux victimes du génocide arménien. Je voudrais commencer par là, puisque que c'est peut-être ça dans l'histoire de nos deux pays aussi, qui nous unit, avec une reconnaissance qui a, je le sais, marqué le peuple arménien par l'article unique, qui est sur ce beau monument dans cette emblématique lieu mémoriel que nous visitons tous. Nous avons d'ailleurs rencontré beaucoup de Français sur place, Monsieur le Ministre, preuve aussi que les Français viennent se recueillir et regarder ces lieux d'histoire.

À l'heure où le révisionnisme historique est à nouveau utilisé pour justifier les pires crimes sur le continent, il est plus que jamais nécessaire de se souvenir. Et de poursuivre ensemble ce combat pour la mémoire, contre l'oubli, contre le silence. Contre aussi les mensonges qui peuvent être dits. Et puis l'émotion aussi, en se remémorant des moments de fraternité franco-arménienne que nous avons vécus ces dernières années.

Je pense particulièrement à l'entrée au Panthéon de Missak et Mélinée Manouchian, en février dernier, incarnations des destins mêlés des peuples français et arménien, incarnation de nos luttes pour l'indépendance, de nos luttes également pour la liberté. Ce sont des valeurs communes que nous partageons entre nos deux pays.

En me rendant à Erevan aujourd'hui, je suis également venu exprimer au gouvernement et au peuple arméniens, toute l'amitié, la solidarité et le soutien de la France. Malgré les menaces et les tentatives d'intimidation, malgré l'hostilité ouverte de la Russie qui prétend dicter ses choix souverains, l'Arménie maintient son cap de la paix, de la démocratie, de l'indépendance. L'Arménie avance étape par étape. Vous avez d'ailleurs évoqué un certain nombre d'étapes que nous soutenons. Et elle sait qu'elle saura pouvoir compter sur l'engagement indéfectible de la France en faveur de sa souveraineté, de sa résilience et de son aspiration aux valeurs démocratiques et à la démocratie. Nous soutenons l'ensemble des pays qui se battent pour ces valeurs. C'est pour cette raison d'ailleurs que nous sommes en soutien à l'Ukraine.

Cette détermination dans l'engagement à vos côtés, sa constance, est d'autant plus forte qu'elle transcende les sensibilités politiques en France. Il n'y a pas beaucoup de sujets en France qui transcendent les sensibilités politiques. L'Arménie en fait partie. Et c'est avec un grand plaisir que l'ensemble des délégations ici, de Français, de responsables politiques, associatifs et entreprises viennent avec la volonté de soutenir, la volonté de commémorer, avec des sensibilités politiques qui peuvent diverger en France, mais qui se rejoignent sur le sujet arménien.

Avec le Ministre nous avons abordé la situation régionale - vous l'évoquiez -, en particulier les relations entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan. Je veux le dire sans ambiguïté : la France soutient la signature au plus vite d'un traité qui permette l'établissement d'une paix juste et durable, dans le respect de l'intégrité territoriale, de la souveraineté et de l'inviolabilité des frontières des deux Etats.

C'est tout le sens des engagements pris à Almaty en 1991, vous y faisiez référence Monsieur le Ministre, et réitérés lors du premier sommet de la Communauté politique européenne à Prague le 6 octobre 2022.

Ces principes doivent être l'aiguillon de ce processus de paix. C'est d'autant plus nécessaire quand, tous les jours, la Russie foule aux pieds ces grands principes en Ukraine.

Je voudrais avoir un mot de soutien, et vous l'avez évoqué également, sur la délimitation des frontières. Puisque que c'est essentiel dans ce processus. Et l'accord trouvé le 30 août va dans la bonne direction. Nous soutenons la poursuite de ce processus, sur le fondement des principes que je viens d'évoquer et de la souveraineté territoriale des deux Etats. Et donc le Sud-Caucase doit devenir un espace de paix, d'intégration, de coopération, avec des frontières qui doivent être aussi ouvertes, qui doivent permettre la circulation, le commerce et la prospérité de ce pays. L'Arménie veut la paix ; la France veut la paix ; vous l'avez dit, la communauté internationale veut la paix. Alors que l'Azerbaïdjan accueille bientôt la COP29, c'est sa responsabilité de montrer qu'il souhaite sincèrement y parvenir avant la COP29. Et donc les initiatives doivent être prises, et on doit avancer sur ce sujet rapidement.

Le soutien de l'Arménie est aussi un soutien européen. Je vous l'ai dit, la France continuera à soutenir l'engagement de l'Union européenne à travers sa mission d'observation. Et son appréciation impartiale de la situation est essentielle pour dissiper toutes les allégations et réduire les risques. Pour renforcer sa confiance, sa transparence, la mise en place d'un mécanisme conjoint d'investigation des incidents, comme l'a proposé le Premier ministre Pachinian, serait d'ailleurs une mesure très utile, sur laquelle nous pourrons discuter avec le Premier ministre tout à l'heure lors de notre rendez-vous.

Vous pouvez également compter sur notre mobilisation pour continuer à faire bouger les lignes sur le plan européen, au service de l'intérêt stratégique commun, notre souveraineté, notre résilience. Je vois deux exemples que vous avez également évoqués. La Facilité européenne pour la paix : une première mesure de soutien a été d'ailleurs décidée avant l'été. Ne laissons aucun Etat tiers exercer un prétendu droit de veto sur la façon dont les Européens et l'Arménie entendent développer souverainement leurs relations. C'est très important. La France, vous savez, a oeuvré au niveau européen pour que ces relations entre l'Union européenne et l'Arménie puissent se renforcer. L'exemple, c'est la libéralisation des visas. L'Union européenne et l'Arménie ont fortement et formellement engagé le 9 septembre un dialogue sur le sujet. Et c'est une avancée importante en faveur d'un rapprochement concret entre nos peuples. Vous le savez, ce soutien, la France le continuera. Et puis nous soutenons également cet engagement sur le volet humanitaire, avec 29 millions d'euros, aux côtés des réfugiés du Haut-Karabakh.

Notre amitié, c'est aussi un partenariat solide. Il se renforce, il s'approfondit de façon très concrète dans tous les domaines. Nous continuerons par exemple à appuyer le développement des infrastructures stratégiques pour la résilience de l'Arménie ; je pense particulièrement au secteur de l'eau et de la transition énergétique. J'ai eu le plaisir d'ailleurs de visiter hier le chantier du barrage, que vous évoquiez, Vedi, dans la plaine d'Ararat, qui permet d'assurer une meilleure irrigation des terres et d'améliorer les conditions agricoles dans la région. Cet ouvrage est co-financé par l'Agence française de développement et l'Union européenne. Je pense aussi aux transports, aux connectivités. Nous avons évoqué également ce point-là lors de notre entretien. L'aménagement du territoire, et nous allons déployer prochainement un expert technique international auprès du ministère arménien de l'administration territoriale pour avancer sur ces questions.

Je veux redire à cette occasion que tout notre soutien ira à l'initiative "Carrefours de la paix" portée par le Premier ministre. L'Arménie a toute sa place dans le développement de la connectivité entre l'Europe et l'Asie centrale. La connectivité ne peut d'ailleurs pas être un instrument de pression, ni de division ; elle doit au contraire servir à la paix, dans le plein respect de la souveraineté de chacun.

Nous continuerons ainsi à développer notre coopération en matière de défense. L'Arménie doit pouvoir protéger son territoire, son intégrité territoriale, sa population. Entre amis, il est normal de coopérer et de coopérer dans ce domaine-là. Et nous le faisons en toute souveraineté, sans volonté d'escalade.

Notre partenariat et notre amitié reposent d'ailleurs sur des fondations solides, historiques. En cette année particulière pour la francophonie, nous pouvons ensemble nous projeter dans un avenir. Et l'Université française en Arménie nourrit ce lien. Notre nouvel institut culturel y participe et y participera encore. Pour former de nouvelles générations, leur relocalisation rapide aura besoin d'ailleurs du soutien du gouvernement arménien.

Et si nos liens sont si solides, c'est qu'ils peuvent s'appuyer sur la mobilisation de nos collectivités territoriales et des organisations de la société civile. J'ai d'ailleurs le plaisir d'être accompagné par le président du département des Hauts-de-Seine, dont l'engagement n'est plus à démontrer. Leur rôle est essentiel, comme vous l'avez démontré avec l'initiative "Ambitions France-Arménie" que le Président de la République et le Premier ministre Pachinian avaient lancée en mars 2022 à Paris. Et j'y suis particulièrement attaché. Afin de fédérer et d'accompagner toutes ces énergies positives, j'ai nommé une coordinatrice des coopérations franco-arméniennes au sein de mon ministère, Florence Provendier, qui est avec nous dans la délégation. Au sein de mon ministère, elle est engagée pleinement en faveur de ces liens entre nos deux pays. Elle sera à pied d'oeuvre rapidement.

Monsieur le Ministre, chers amis, comme vous le voyez, nos liens sont singuliers. Les chantiers ne manquent pas et sont nombreux. Avec détermination et amitié, je forme le voeu que nous puissions poursuivre sur ce chemin avec tout l'engagement que nous avons eu ces dernières années, renouvelé, avec nos deux peuples et au service de la démocratie et de la paix.

(...)

Q - Bonjour, Philippe Ricard pour le journal Le Monde. Je voulais savoir, Monsieur le Ministre arménien, si la situation politique française vous inquiète particulièrement, qui pourrait par exemple amoindrir l'influence française en Europe par exemple. Et Monsieur Séjourné, savoir comment vous expliquez notre situation politique interne à vos interlocuteurs notamment arméniens pour essayer j'imagine pour les rassurer, mais quels sont vos arguments ? Merci.

(...)

R - D'abord vous dire que ce déplacement a évidemment été validé par le nouveau Premier ministre français, Monsieur Michel Barnier. Par le Président de la République. Et il y a forme de continuité des engagements de l'Etat. Et, le Ministre l'a évoqué, il n'y a pas de changement dans les valeurs que nous défendons. Et je n'ai aucun doute sur la continuité du soutien de notre relation, et aucune différence sera notée d'ailleurs sur les valeurs défendues de démocratie, d'amitié, de paix et de reconnaissance historique entre nos deux peuples. Donc il y a une forme de continuité, c'est bien normal. Il y aura peut-être des changements d'hommes et de femmes aux responsabilités, mais l'engagement restera. Et ma présence ici le démontre./.


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