Tuesday, September 27, 2022

Le Monde : « En Iran, le cri de ralliement “Femme, vie, liberté” illustre la prise de conscience de toute une nation »

 « En Iran, le cri de ralliement “Femme, vie, liberté” illustre la prise de conscience de toute une nation »


TRIBUNE

Sorour Kasmaï, Romancière et éditrice franco-iranienne


Stigmatisées depuis 1979, les Iraniennes montrent qu’elles sont les forces vives du pays dans les manifestations suite à la mort de Mahsa Amini, écrit la romancière et éditrice franco-iranienne Sorour Kasmaï.Publié aujourd’hui à 05h50, mis à jour à 07h19   Temps deLecture 4 min.

En Iran, la violence exercée à l’égard des femmes porte des noms et des visages différents : le voile, l’honneur, la sécurité de l’Etat, le non-respect de la religion, etc. Institutionnalisée par le régime islamique, elle est aujourd’hui systématique et met en danger la vie de toutes les femmes.

Lire aussi : Depuis la mort de Mahsa Amini en Iran, des dizaines de morts et plus de sept cents arrestations

En février 1979, avant même l’instauration de la République islamique d’Iran, l’ayatollah Khomeini considérait déjà la liberté de la femme comme le principal obstacle à son projet politique. Les premières mesures à cet égard rendaient obligatoires le voile islamique sur le lieu de travail et le foulard dans les lieux publics. Du jour au lendemain, la femme a perdu tous les droits que lui octroyait la loi de protection de la famille, notamment la garde des enfants en cas de divorce, et même celui de voyager sans l’accord de son mari. Ce dernier, en revanche, allait être autorisé à épouser jusqu’à quatre femmes à la fois. Un beau matin, les murs de la ville furent repeints pour afficher de nouveaux slogans prônant « le voile, comme rempart de la République islamique ».

Le 8 mars 1979, la première manifestation contre ces nouvelles lois rassembla à Téhéran, selon les journaux de l’époque, « quelques centaines de salopes », scandant « ni foulard ni coups de poing ». Enseignantes, chercheuses, cinéastes, étudiantes, actrices, avocates, institutrices ou encore femmes au foyer, elles protestaient contre le voile, qui symbolisait à leurs yeux une ségrégation complexe et sournoise. Se cacher les cheveux signifiait non seulement l’asservissement de leur corps mais aussi de tout leur être. La nouvelle loi cherchait à réprimer leur identité en les uniformisant par un voile – et plus tard un manteau – réglementaire de couleur sombre. Elle visait à les transformer en l’ombre d’elles-mêmes. Elle aspirait à les priver de leur statut social, en les reléguant aux confins de la vie publique. Elle institutionnalisait la soumission de leur esprit en les privant de leurs libertés les plus élémentaires de citoyennes et d’êtres humains. C’était contre ce danger que mettaient en garde les « salopes » de 1979.

Lire aussi l’éditorial : Iran : le régime réprime, encore et toujours

Force vitale du combat collectif

Pendant toutes ces années, d’abominables crimes ont été perpétrés contre la femme. Du vitriolage pour un refus de mariage à la décapitation pour un soupçon de flirt, de la lapidation de la femme mariée pour délit d’adultère au dépucelage des condamnées à mort dans les prisons, la femme a été sacrifiée sur l’autel de l’honneur des hommes, de la famille, de la société, de l’Etat.


Il vous reste 59.67% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.


La suite est réservée aux abonnés.

Déjà abonné ? Se connecter


No comments:

Post a Comment