Conférence des ambassadrices et des ambassadeurs - Séance plénière - Propos liminaires de M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, et de M. Radoslaw Sikorski, ministre des affaires étrangères de la République de Pologne -
Propos de M. Jean-Noël Barrot (Paris, 06/01/2025)
Monsieur le Ministre, cher Radek Sikorski,
Monsieur le Ministre, cher Benjamin Haddad,
Madame la Secrétaire générale,
Mesdames les directrices, Messieurs les directeurs,
Mesdames les ambassadrices, Messieurs les ambassadeurs,
C'est un honneur et c'est un plaisir, c'est une joie, cher Radek, que de commencer cette année, à l'orée de laquelle nous formons, à ton égard, nos voeux les plus sincères, avec toi, au moment où s'ouvre la présidence polonaise de l'Union Européenne. Une présidence qui s'ouvre en quelque sorte, si tu me permets l'expression, à Paris, puisque tu as accepté d'être notre invité d'honneur et de présenter en exclusivité aux ambassadrices et aux ambassadeurs français les priorités de cette présidence.
Alors ça n'est pas la première fois que tu nous fais le plaisir et l'honneur de participer à cette conférence des ambassadrices et des ambassadeurs. Tu étais parmi nous en 2013, et certains dans cette salle s'en souviennent. Mais depuis 2013, le monde a beaucoup changé. Le Président de la République en parlait ce matin à l'Elysée, quand il nous disait que beaucoup de choses que nous voyons aujourd'hui étaient inimaginables la dernière fois que tu t'es exprimé, sans doute dans cette même salle.
En 2013, on n'aurait pas pu imaginer que la Russie déclenche en Ukraine une guerre d'agression sans équivalent sur notre continent depuis la Première Guerre mondiale. Et je sais que tu auras à coeur, comme tu l'as fait, comme nous l'avons fait ensemble depuis bientôt trois ans, de soutenir les Ukrainiens aussi longtemps et aussi intensément que nécessaire. Avec des principes très clairs : aucun accord imposé aux Ukrainiens ne peut être favorable aux Européens ou aux Américains, aucune décision ne peut être prise concernant l'avenir des Ukrainiens sans les Ukrainiens, ni aucune décision concernant l'avenir de la sécurité européenne sans les Européens.
Et c'est en activant tous les leviers à notre disposition que nous continuerons à soutenir efficacement les Ukrainiens. Le levier financier, avec le prêt que nous avons agréé en G7, qui permettra d'apporter 45 milliards d'euros aux Ukrainiens en cette année 2025. Le levier militaire avec le soutien en formation. La Pologne a pris une part très importante de cet effort. Le soutien en équipement. Le levier des sanctions : nous avons adopté, juste avant les fêtes, des paquets de sanctions nouveaux, le 15e paquet de sanctions visant la Russie. Le levier de l'intégration euro-atlantique, et je sais que tu veilleras pendant cette présidence à poursuivre le travail d'élargissement. Et puis le levier de la coopération, dans le cadre de la formule de paix du président Zelensky. Comme vous le savez, la France était chargée du groupe de travail numéro un sur la sécurité et la sûreté nucléaire. Je rappelle que la principale, la plus grande centrale nucléaire du continent européen, Zaporijjia, est aujourd'hui entre les mains de la Russie de Vladimir Poutine.
En 2013, lorsque tu t'es exprimé la dernière fois, nous ne pouvions imaginer qu'une élection présidentielle, sur le territoire de l'Union Européenne, puisse être annulée suite à des manipulations sur les réseaux sociaux. Eh bien c'est arrivé il y a quelques semaines maintenant. C'est l'un des sujets dont nous avons beaucoup discuté ensemble ces derniers mois : comment protéger notre démocratie contre les ingérences, contre les menaces hybrides, dont la Pologne a fait les frais à de nombreuses reprises, que ce soit sur Internet, sur la toile, ou que ce soit par d'autres moyens.
Il y a 10 ans, un peu plus de 10 ans, en 2013, lorsque tu nous as rendu visite la dernière fois, le décrochage de l'Union Européenne, ou le risque de décrochage, n'était pas aussi manifeste qu'il ne l'est aujourd'hui. Et depuis, et encore récemment, les rapports d'Enrico Letta, de Mario Draghi, ont démontré que ce risque est désormais avéré, et qu'il nous faut accélérer notre effort de compétitivité si nous ne voulons pas devenir un continent vieillissant et vassal des grandes puissances économiques et technologiques de ce monde. Et c'est pourquoi nous formons des voeux de réussite pour la présidence polonaise de l'Union Européenne. Pour que sur les sujets de sécurité, sur les sujets de prospérité et sur les sujets de démocratie, les travaux que tu présideras et que vous présiderez puissent aboutir à des réponses concrètes aux attentes très fortes de nos compatriotes.
Ces liens qui nous unissent à la Pologne, nous les avons cultivés cette année en réactivant un format trilatéral qui a fait ses preuves en quelques mois seulement : le Triangle de Weimar - c'est à l'époque avec Stéphane Séjourné, mon prédécesseur, que tu as voulu le réactiver -, et qui dès les premières semaines s'est saisi de la question de la lutte contre la désinformation d'une part, mais aussi des questions de défense européenne. Et tu avais, au printemps dernier, eu cette expression très forte qui a beaucoup résonné en France, qui est celle de bâtir pour l'Europe une deuxième assurance-vie en renforçant l'Europe de la défense, l'un des sujets prioritaires de ta présidence. Et puis tout récemment, ce format nous a permis de nous exprimer ensemble, aux côtés d'Annalena Baerbock, pour affirmer notre réprobation des agissements du gouvernement géorgien contre son peuple, qui aujourd'hui aspire résolument à poursuivre sa trajectoire, son chemin, vers l'Union européenne.
Et puis je n'oublie pas la profondeur et la solidité de notre relation bilatérale, de notre amitié historique, de notre "fraternité d'armes", comme l'a rappelé le Président de la République le 12 décembre dernier lorsqu'il s'est rendu à Varsovie. Fraternité d'armes que nous avons commémorée sur les plages du débarquement au mois de juin, puisqu'il faut se rappeler le rôle décisif qu'ont joué les soldats polonais dans la libération de notre pays. Cette amitié historique, cette fraternité d'armes, elle sera consacrée en 2025 par un nouveau traité, le traité de Nancy, qui couvrira l'ensemble des domaines de la coopération et ouvrira un nouveau chapitre de notre relation. Je remercie nos ambassadeurs qui sont présents ici et qui travaillent activement pour que ce nouveau traité puisse advenir.
Et donc, cher Radek, c'est un honneur de t'avoir ici. Nous sommes très impatients de t'entendre présenter tes priorités et je veux t'exprimer au nom de toute la grande famille de la diplomatie française, notre gratitude pour ta présence aujourd'hui à Paris.
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