Wednesday, September 29, 2021

Conférence de presse conjointe de M. Emmanuel Macron, Président de la République, et de M. Kyriakos Mitsotakis, Premier ministre de la République hellénique - Propos de M. Emmanuel Macron (Paris, 28/09/2021)

 Grèce - Conférence de presse conjointe de M. Emmanuel Macron, Président de la République, et de M. Kyriakos Mitsotakis, Premier ministre de la République hellénique - Propos de M. Emmanuel Macron (Paris, 28/09/2021)

=Seul le prononcé fait foi=

Monsieur le Premier ministre, cher Kyriakos, Madame, Messieurs les Ministres, Mesdames, Messieurs les Ambassadeurs, Mesdames, Messieurs,

Nos ministres viennent à l'instant de signer un partenariat stratégique de coopération en matière de défense et de sécurité, qui est le fruit d'un travail qui vient de loin, d'une relation qui, ces dernières années, s'est intensifiée, et de notre travail, en particulier, des dernières semaines. Il est en effet l'aboutissement d'un travail engagé dans la durée après la déclaration conjointe sur la défense et la sécurité de juin 2008. Dans la continuité de la déclaration helléno-française aussi sur un partenariat stratégique du 23 octobre 2015. Mais c'est surtout le fruit des 18 derniers mois et du travail intense que nous avons mené avec M. le Premier ministre qui a conduit la France à s'engager fortement à vos côtés à l'été 2020. Qui nous a aussi conduit à avoir des discussions stratégiques soutenues, à l'été dernier, et en particulier lors du sommet d'Ajaccio et ces dernières semaines, à la fois à Marseille puis à Athènes pour le MED9. Nous avons intensifié ces discussions qui aboutissent clairement aujourd'hui à travers ce partenariat.

Ce partenariat exprime notre volonté partagée d'accroître et d'intensifier notre coopération dans le domaine de la défense et de la sécurité sur la base de nos intérêts mutuels et de la solidarité effective qui fait la force de nos liens. Ils contribuent à protéger la souveraineté, l'indépendance, l'intégrité territoriale de nos deux Etats, tout en promouvant la sécurité, la stabilité et la prospérité dans les régions d'intérêt commun. Il permet l'approfondissement de la coopération franco-hellénique sur les enjeux stratégiques dans le domaine de la politique étrangère en matière militaire ainsi qu'en matière d'industrie de défense, ce qui s'est traduit concrètement par la décision grecque de se doter d'avions de combat Rafale, et aujourd'hui, par votre annonce, Monsieur le Premier ministre, de votre décision de doter la Grèce de trois frégates Belh@rra qui seront construites en France, à Lorient - autant de témoignages de confiance et de démonstration de la qualité de notre relation. Nous veillerons aussi ensemble à intensifier ces coopérations sur le plan industriel, à permettre d'avoir au maximum une présence et un renforcement de ces coopérations industrielles et de la création d'emplois de part et d'autre.

Ce partenariat s'inscrit en parfaite cohérence et dans le plein respect de nos engagements à l'Union européenne et à l'OTAN en en renforçant l'effectivité pour la protection de nos territoires et en nous permettant d'agir plus efficacement de manière plus coordonnée, ensemble, pour la paix et la sécurité en Méditerranée, au Moyen-Orient, en Afrique et dans les Balkans. Il contribue ainsi à l'indépendance européenne, au renforcement de la souveraineté de l'Europe, et à la paix et la sécurité internationales. Ce partenariat n'est dirigé contre personne, mais permet d'agir plus efficacement et étroitement ensemble pour la paix, la coopération, la stabilité.

Il résulte aussi du fait que nous partageons très profondément, dans toutes les régions que je viens de rappeler, une vision commune, celle de nos intérêts, celle de la stabilité et une volonté d'agir et d'oeuvrer ensemble. Ce partenariat, à cet égard, s'inscrit dans la droite ligne en fidélité avec les combats que nous menons ensemble en matière européenne depuis que vous êtes élu, Monsieur le Premier ministre, et nous l'avons rappelé à plusieurs reprises, qu'il s'agisse d'indépendance technologique, d'un plus grand engagement militaire européen, qu'il s'agisse de se tenir en première ligne sur les combats qui sont vitaux pour nous.

Et l'exposition que nous avons hier inaugurée le montre ô combien dans une relation qui s'inscrit profondément dans nos histoires. Je le rappelais hier, la Grèce est une civilisation avant d'être un Etat nation, et elle est une civilisation qui nous a inspirés et nous a permis d'être nous-mêmes. Et la Grèce est aussi cet Etat nation qui, en deux siècles, a poursuivi un chemin inédit, celui de devenir indépendant et d'être une nation au coeur de l'Europe, de ses préoccupations, de son imaginaire, de sa culture, de son art, un coeur vivant. Depuis deux siècles, la France s'est battue pour les idéaux d'indépendance, de liberté de la Grèce et elle continuera de le faire, car il s'agit de l'amitié entre nos peuples, nos nations, mais il s'agit aussi d'une part existentielle pour votre peuple comme pour le nôtre.

Pour toutes ces raisons, ce partenariat est cohérent avec nos histoires, nos engagements profonds et, je crois, ce dont nos pays et notre continent ont besoin pour le siècle qui s'ouvre. Je veux donc vous remercier, Monsieur le Premier ministre, ainsi que les ministres et collaborateurs qui vous accompagnent et ont travaillé aux côtés des miens sur cette déclaration, vous dire combien nous sommes sensibles à votre présence, hier et aujourd'hui, à Paris, et à la signature de ce document qui marquera notre histoire commune ; vous dire aussi toute notre solidarité. Nous avons été à vos côtés lorsque l'inquiétude était là, il y a un an, à vos côtés lorsque les feux sévissaient cet été. Nous sommes aussi à vos côtés dans ces jours et ces heures difficiles et je sais que dans quelques instants, vous nous quitterez pour Héraklion où un tremblement de terre a sévi. Veuillez accepter la solidarité de la France une fois encore dans cette épreuve. Mais merci de votre amitié, de votre engagement et du courage qui est le vôtre, celui du peuple Grec. Merci Monsieur le Premier ministre.

(...)

Q - Bonjour. Monsieur le Président, vous ne vous êtes jamais exprimé encore sur la crise AUKUS, avec le changement d'achat de nos sous-marins. Alors d'abord, je voulais vous demander si vous pouviez en tirer vos conclusions sur la place de la France, la place de l'industrie d'armement française, la place de la France dans cette région ? Et puis, par ailleurs, les Etats-Unis étaient également en compétition pour vendre ses frégates ; est-ce qu'ils se sont retirés comme geste d'apaisement après cette crise ? Merci.

R - Ce qui importe aujourd'hui, c'est ce que nous signons et c'est le coeur de la stratégie européenne qui est la nôtre. J'ai eu l'occasion en communiquant suite à l'appel avec le Président Biden de m'exprimer sur le sujet de l'Indo-Pacifique et du contrat australien. Je dirais deux choses en réponse à votre question de manière très simple.

Le choix australien ne change en rien la stratégie indopacifique de la France. Elle a été annoncée dès le début de l'année 2018 en Inde. Nous avons plusieurs partenaires dans la région et là aussi l'histoire et la géographie sont têtues. La France est une puissance indopacifique, indépendamment de tout contrat puisque nous avons plus d'un million de nos compatriotes qui vivent dans cette région et que nous avons plus de huit mille soldats qui y sont déployés, avec par ailleurs de nombreuses opérations conjointes menées avec plusieurs partenaires dans la région. Donc, le choix australien, dont d'ailleurs toutes les conséquences sont encore à déterminer, dans les semaines qui viennent, n'a pas d'impact sur la stratégie indopacifique française. Cette stratégie indopacifique a été, après que nous l'avons présentée, justement, en 2018, travaillée au niveau européen et assumée, exprimée au niveau européen, il y a maintenant un peu plus de quinze jours. Et donc, nous avons aussi une stratégie indopacifique européenne dans laquelle nous sommes engagés.

La deuxième chose, c'est que le contrat avec l'Australie était un important contrat commercial - il appartient, là, aux ministres et aux chefs d'entreprises de le commenter - mais dont le but, l'objectif, le sens industriel était la construction d'une sous-marinade en Australie pour les Australiens. Et donc les conséquences pour l'industrie française en France sont limitées : quelques centaines d'emplois, essentiellement en ingénierie.

Quant à la présence américaine, il ne m'appartient pas de répondre, puisque c'est le Premier ministre grec qui a pris cette décision et c'est lui qui gère les choses. Nous ne parlons pas des potentiels compétiteurs ou autres.

Voilà ce que je voulais rappeler en tout cas sur ce sujet, et vous dire qu'indépendamment de ce sujet, ce que nous signons aujourd'hui, à mes yeux, est un partenariat structurant qui est en cohérence avec ce que nous sommes. Et nous avons, l'un et l'autre, rappelé la force de l'histoire qui tire toutes les conséquences de la situation géopolitique, en particulier en Méditerranée orientale, et qui est aussi cohérent avec les choix que nous avons pris et assumés à l'été 2020. Donc tout cela vient de beaucoup plus loin.

(...)

Q - Monsieur le Président Macron, je voudrais d'abord rebondir sur votre réponse à la question de ma collègue. Le contrat concernant les sous-marins australiens a eu des conséquences majeures sur la relation entre la France et les Etats-Unis. Qu'est-ce que vous pouvez nous dire à ce sujet-là ? Et est-ce qu'une réconciliation est possible, suite à votre appel téléphonique avec le président Biden ? Et puis, je reviens sur l'accord de défense avec la Grèce. Cet accord est annoncé dans un contexte de tensions avec la Turquie. Est-ce que vous ne craignez pas que ces armements mènent à une surenchère dans la région de la Méditerranée orientale ?

R - Sur votre premier point, j'ai eu l'occasion de m'exprimer par le truchement d'un communiqué de presse suite à la conversation que j'ai eue avec le Président Biden. Il n'y a pas de fait nouveau depuis cette discussion. L'ambassadeur de France à Washington repartira demain, avec un mandat clair, sur la base de la discussion qui a été la nôtre pour établir les conditions d'un réengagement. Et donc, sur la base de cet échange, des échanges se noueront dans les prochaines semaines. Nous nous reparlerons avec le Président Biden, à la mi-octobre, pour pouvoir établir les conditions d'un tel réengagement, conformément à ce que nous avons exprimé, l'un et l'autre, après notre échange téléphonique de la semaine dernière.

Pour ce qui est de votre deuxième question, je n'ai pas le sentiment qu'à l'été 2020 ce soit la Grèce qui se soit montrée belliqueuse en Méditerranée orientale. Je pense qu'il est de notre devoir, nous, Européens, de montrer que nous sommes solidaires avec chacun des Etats membres, et c'est ce que la France a fait à l'été 2020. C'est ce que nous consolidons par ce partenariat stratégique. La Grèce est aux avant-postes, dans une région tourmentée, où les intérêts énergétiques et géopolitiques sont majeurs. Ils le sont pour la Grèce, ils le sont pour l'Europe et ils le sont pour la France. Il est donc légitime que nous nous engagions, d'une part, à aider la Grèce à s'équiper pour faire respecter ses intérêts et son intégrité territoriale, et d'autre part, que nous nous engagions aussi à coopérer pour la protéger en cas d'intrusion, d'attaque ou d'agression. C'est l'idée que je me fais de l'amitié et de cette indépendance européenne et souveraineté territoriale européenne à laquelle nous tenons.

Mais plus largement, les quatre questions que nous venons d'avoir me conduisent juste à dire deux choses toutes simples. La première, les Européens doivent sortir de la naïveté. Lorsque nous sommes sous l'effet de pressions, de puissances qui parfois se durcissent, réagir, montrer que nous avons avec nous aussi la puissance et la capacité à nous défendre, n'est pas céder à l'escalade, c'est simplement nous faire respecter. La deuxième remarque, c'est que les Etats-Unis d'Amérique sont des grands alliés historiques et sont des alliés en termes de valeurs. Et ils le resteront. Mais nous sommes obligés de constater que depuis maintenant un peu plus de dix ans, les Etats-Unis d'Amérique, d'abord, se concentrent beaucoup sur eux-mêmes et ont des intérêts stratégiques qui se réorientent vers la Chine et le Pacifique. C'est leur droit, c'est leur propre souveraineté. Et je respecte la souveraineté des peuples. Mais nous serions là aussi naïfs, plutôt, nous commettrions une terrible erreur à ne pas vouloir en tirer les conséquences et de constater pour nous-mêmes. Et donc, c'est avec le même pragmatisme, la même lucidité pour notre indépendance que nous devons, en tant qu'Européens, prendre notre part dans notre propre protection. Cela n'est pas une alternative à notre alliance avec les Etats-Unis d'Amérique. Cela n'est pas une substitution, c'est assumer ce pilier européen dans le cadre de l'OTAN et c'est tirer les conséquences pour nous-mêmes du fait qu'il nous est demandé d'assumer davantage notre propre protection. Je pense que c'est légitime. C'est donc à nous de le faire.

Merci beaucoup. Merci Monsieur le Premier ministre./.

(Source : service de presse de la présidence de la République)


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