La communauté kurde refuse de croire à la thèse de l’attaque raciste à Paris

Des milliers de Kurdes ont manifesté, samedi, dénonçant un attentat aux mobiles politiques. Le principal suspect a motivé son geste par le racisme avant d’être transféré en psychiatrie.

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Publié aujourd’hui à 06h45, mis à jour à 10h07

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Sous le ciel gris de Paris, une mer de drapeaux rouge, jaune et vert aux couleurs du Kurdistan. Des milliers de Kurdes et de sympathisants de leur cause ont rendu hommage, samedi 24 décembre, aux trois membres de la communauté assassinés vendredi à Paris, rue d’Enghien, en se rassemblant sur la place de la République.

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La manifestation était appelée par le Centre démocratique kurde de France (CDKF), dont le siège se trouve au centre culturel kurde Ahmet-Kaya, pris pour cible par l’auteur présumé de la tuerie, William M., 69 ans. Sa garde à vue a été levée samedi pour raison médicale. L’homme a été transféré en soins psychiatriques en attendant d’être présenté à un juge.

Quelques-uns des manifestants étaient venus avec les portraits imprimés des deux victimes les plus connues, la militante féministe Emine Kara et le chanteur Mir Perwer. La troisième victime, Abdulrahman Kizil, est un « un citoyen kurde ordinaire », selon le CDKF, habitué à fréquenter le centre Ahmet-Kaya. Mais si un visage dominait la manifestation, c’était celui d’Abdullah Öcalan, le chef et fondateur du PKK, emprisonné en Turquie. Le Parti des travailleurs du Kurdistan, en guerre avec l’Etat turc et dont le CDKF est une émanation, avait souhaité faire de la manifestation un moment de recueillement autant qu’une démonstration de force au cœur de la France et de l’Union européenne, qui le classent toujours comme une organisation terroriste.

Malgré ces enjeux politiques, l’émotion est au rendez-vous. Beaucoup de manifestants refusent de s’exprimer, comme si les assassinats étaient un affront personnel impossible à verbaliser. Jamais la communauté kurde n’a été prise pour cible par le « racisme » d’extrême droite, la motivation mise en avant par le tueur présumé lors de sa garde à vue. Les manifestants, eux, n’y voient que la poursuite d’une répression qui frappe les Kurdes dans leurs pays d’origine comme dans leur exil. Nombre de drapeaux rappelaient le souvenir des trois militantes assassinées il y a presque dix ans, le 9 janvier 2013 rue Lafayette, par un agent présumé de l’Etat turc qui n’a jamais pu être jugé avant de décéder en détention.

Méfiance et paranoïa chez les plus jeunes

Rukan Teker, une jeune étudiante en première année de droit, est venue avec une amie. Elle brandit le portrait du chanteur Mir Perwer, Sirin Aydin de son vrai nom, assassiné la veille par William M. qui l’a poursuivi jusque dans un restaurant kurde pour l’achever : « Ce qui s’est passé est horrible. Je me sens insécurisée. Je suis des cours à l’Institut culturel kurde et cela aurait pu très bien m’arriver. Nous, les Kurdes, on ne se sent pas protégés. Déjà qu’on nous refuse un Etat, qu’on doit tout le temps expliquer qui nous sommes, on se sent complètement délégitimés. Regardez comment nous traite la police ! »

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