Tuesday, February 27, 2024

France - Politique étrangère - Audition de M. Stéphane Séjourné, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, devant la Commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale - Propos de M. Stéphane Séjourné (Paris, 14/02/2024)

 


4. Politique étrangère - Audition de M. Stéphane Séjourné, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, devant la Commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale - Propos de M. Stéphane Séjourné (Paris, 14/02/2024)

J'ai grand plaisir à venir évoquer devant vous l'action de mon ministère. Je souhaite en préambule souligner le travail effectué par mes prédécesseurs, notamment Mme Catherine Colonna, en lien avec la Première ministre Elisabeth Borne, dont je salue la présence dans votre commission aujourd'hui. J'hérite d'un ministère transformé et renforcé, qui a su prendre le tournant d'un monde au bord de la rupture.

Face aux grandes crises que vous avez mentionnées, nos concitoyens attendent beaucoup de nous : ils veulent être protégés, défendus, vivre en paix ; ils veulent que leur pays continue à compter sur la scène internationale. Les actions et implications de la diplomatie française à l'échelle internationale ont des conséquences directes et indirectes dans leur quotidien, qu'il s'agisse du prix de l'énergie ou de la capacité à réagir face à d'éventuelles pandémies.

Mon ministère peut s'appuyer, pour remplir ses missions, sur une augmentation inédite de ses moyens, avec une hausse de ses effectifs et l'allocation de crédits supplémentaires visant notamment au renforcement des activités consulaires et des outils de communication. Je remercie très sincèrement le Parlement, et notamment cette commission pour votre soutien et votre engagement sur le sujet. Il s'agit d'un signal fort envoyé à nos agents comme à l'ensemble des Français. Soyez assurés que je veillerai à la bonne gestion de ces financements, dans le cadre des actions prioritaires entreprises face aux différentes situations que vous évoquiez.

L'état du monde impose une certaine gravité. Les crises se multiplient, se complexifient et tendent à s'inscrire dans la durée. Nos efforts diplomatiques se déploient aux quatre coins du globe, selon des modalités différentes en fonction des enjeux, mais avec l'objectif constant de former des coalitions, de trouver des solutions et de favoriser la désescalade. Telle est la mission que m'a assignée le Président de la République en me confiant ces responsabilités.

Force est de constater que certains Etats misent sur l'instabilité et se saisissent de ces crises, voire les provoquent, de manière opportuniste et cynique. Face à cela, la diplomatie française agit avec détermination et sans aucune naïveté, pour que le monde conserve ses règles, ses repères et ses principes.

Ce ministère a également vocation à prendre à bras-le-corps les enjeux globaux, dont les négociations relatives au climat. Nous sommes ainsi tout à fait disposés à lancer avec vous des réflexions sur ces sujets.

Face à ces crises, la France agit, en combinant la dimension humanitaire, la recherche de stabilité et le développement, dans une logique alliant prévention, réaction et construction. Notre pays figure ainsi parmi les premiers bailleurs dans le domaine humanitaire, avec l'objectif que nos aides atteignent 1 milliard d'euros d'ici 2025. Nous portons notamment secours aux populations civiles à Gaza, avec 100 millions d'euros additionnels et plus de 1.000 tonnes de fret. Nous apportons également notre soutien aux Ukrainiens qui souffrent chaque jour des conséquences de l'agression russe, avec un apport de 300 millions d'euros d'aide civile, adressés aux organisations non gouvernementales (ONG), aux organisations internationales et aux opérateurs de la société civile. Nous avons également porté secours aux Arméniennes et aux Arméniens contraints de fuir leurs foyers.

En septembre 2023, le Président de la République a rassemblé les forces politiques de la nation aux rencontres de Saint-Denis, auxquelles j'ai eu la chance de participer en tant que responsable de parti politique. Les questions internationales avaient alors occupé une place considérable dans les échanges. Des précisions avaient notamment été demandées sur la position de la France par rapport à l'Ukraine ou sur le renouvellement des partenariats avec les pays africains. Nous avions aussi débattu de l'ensemble des sujets internationaux avec Catherine Colonna, dans le but notamment de mieux inclure le Parlement dans nos discussions ; deux débats au titre de l'article 50‑1 de la Constitution ont notamment été organisés. Nous voulons aller plus loin et nous serons ravis, si vous nous sollicitez, de poursuivre ces échanges.

Notre détermination à agir face aux différentes crises est totale. L'ensemble de notre réseau reste ainsi pleinement mobilisé sur la question ukrainienne, qui est l'une de mes priorités. Je salue en particulier les agents de notre poste diplomatique de Kiev, qui effectuent un travail remarquable dans un contexte extrêmement difficile. En défendant l'Ukraine, nous défendons aussi les intérêts et la stabilité du continent européen et de la France. L'année 2024 sera déterminante pour l'issue de cette guerre.

La Russie cherche à nous persuader que sa victoire est inéluctable et que l'Ukraine a déjà perdu. C'est faux. L'armée ukrainienne est en effet déjà parvenue à reprendre près de la moitié du territoire précédemment conquis par les troupes russes. Elle a en outre remporté des succès marquants, notamment en Crimée et près de la mer Noire, en sécurisant un corridor maritime crucial pour les exportations et l'équilibre alimentaire du monde. Enfin, depuis le début de l'hiver, l'armée russe s'épuise en offensives coûteuses en hommes et en matériels, pour des gains très limités. La Russie ment également lorsqu'elle évoque l'épuisement de notre volonté à soutenir l'Ukraine.

La France déploie beaucoup d'énergie dans ce domaine sur la scène européenne, même si nous ne soulignons sans doute pas suffisamment le soutien européen et notre capacité à obtenir des succès. Les 50 milliards d'euros alloués à l'Ukraine lors du dernier Conseil européen constituent un signal fort envoyé aux Etats-Unis, qui tardent à contribuer à cet effort.

En matière d'aide militaire, le Président de la République a récemment fait des annonces majeures. Cela concerne l'envoi de missiles de croisière SCALP - système de croisière conventionnel autonome à longue portée - et de bombes guidées AASM - armement air-sol modulaire -, qui permettront à l'armée ukrainienne de défendre son territoire en frappant en profondeur. Nous devons également mobiliser la base industrielle et technologique de défense (BITD) européenne au bénéfice de l'Ukraine et continuer à miser sur le collectif européen pour apporter une aide militaire. Le chemin est encore long.

La communauté internationale doit en outre tout faire pour empêcher le contournement des sanctions prises contre la Russie, dont je suis persuadé qu'elles sont efficaces, même si elles restent perfectibles. Nous disposons de données en ce sens, que nous rendrons probablement publiques.

L'Europe agit, donc. Nous avons la volonté de continuer à soutenir l'Ukraine dans la durée.

Concernant la situation au Proche-Orient, il faut savoir que cent trente-quatre personnes, dont trois Français, sont toujours retenues en otage. La nation a rendu, la semaine dernière, un poignant hommage à nos concitoyens morts lors des attaques du 7 octobre 2023, dont le Président de la République a rappelé qu'il s'agissait du pire massacre antisémite de notre siècle. Nous continuerons à refuser l'antisémitisme sous toutes ses formes.

Nous observons par ailleurs l'intensification des bombardements israéliens et l'avancée de l'armée vers Rafah, ville de 300.000 habitants en temps normal où sont actuellement massés 1,5 million de civils gazaouis. Les conditions de vie y sont déplorables. J'ai eu l'occasion de qualifier l'avancée des troupes israéliennes d'"injustifiable", terme qui montre l'ampleur de notre indignation.

Nous savons en outre que les foyers de crise se multiplient autour de Gaza et que les tensions restent vives au Sud du Liban, notamment.

Dans ce contexte, la France agit sans relâche ; nous passons des messages aux pays arabes, à Israël et au Liban. Notre diplomatie est entendue et son positionnement est compris par l'ensemble des parties. Sa voix compte parce qu'elle agit face à l'urgence du moment, parce qu'elle cherche des solutions pour l'avenir, visant à assurer la sécurité pour tous et à éradiquer le terrorisme. Nous estimons qu'un cessez-le-feu à Gaza est indispensable. Nous y travaillons avec l'ensemble de nos partenaires, en participant à tous les formats diplomatiques proposés, afin de contribuer à trouver une solution politique.

Nous sommes aussi mobilisés sur le plan humanitaire, je l'ai dit. Nous avons ainsi soigné des blessés sur le bâtiment de la Marine nationale Dixmude et évacué des enfants vers la France, afin qu'ils soient pris en charge dans nos hôpitaux.

Nous poursuivons par ailleurs notre engagement en faveur de la paix et contre le terrorisme, en mobilisant nos partenaires pour sanctionner le Hamas. L'existence d'un Etat palestinien viable et reconnu dans ses frontières, avec une Autorité palestinienne revivifiée, est une condition de la paix. J'ai eu l'occasion de m'entretenir avec Mahmoud Abbas et d'exposer à Benyamin Netanyahou la position de la France sur ces questions. La plupart des dirigeants de la région convergent vers cette solution à deux Etats. La difficulté, aujourd'hui, est d'en convaincre le gouvernement israélien.

Je souhaite par ailleurs évoquer notre partenariat avec les pays africains. Le continent africain comptera de plus en plus dans les grands équilibres de notre monde. La France doit être au rendez-vous et s'affirmer comme un partenaire fiable et crédible. Elle dispose pour cela de nombreux atouts, parmi lesquels l'inventivité de ses entreprises, l'attractivité de ses universités et son excellence dans les domaines industriel, culturel et créatif. Nous intervenons en Afrique en appui des organisations régionales, afin de faciliter les sorties de crise.

Nous portons notamment des messages dans la région des Grands Lacs, auprès du Rwanda et de la République démocratique du Congo, afin de favoriser la désescalade et de trouver des solutions durables au conflit. Nous accueillerons par ailleurs à Paris, le 15 avril 2024, une conférence humanitaire pour le Soudan et les pays voisins, afin d'essayer de résoudre les crises humanitaires dramatiques qui sévissent dans cette zone.

Notre partenariat se renouvelle, en s'appuyant sur les liens qui unissent notre société aux sociétés africaines. Je pense notamment aux jeunes, aux artistes et aux entrepreneurs.

Nous avons par ailleurs des rendez-vous communs au Parlement, puisqu'il y aura une loi sur la restitution des biens culturels.

Nous voulons approfondir notre relation avec les pays africains, sur la base d'un partenariat respectueux, d'égal à égal, tourné vers l'avenir.

Notre diplomatie est également engagée pour la planète, puisque l'état du monde dépend de celui du climat et des ressources. Je m'attacherai donc à mener une politique étrangère climatique, dans le cadre notamment des deux conférences des parties (COP) à venir. L'action de la France restera déterminée, face à une communauté internationale qui ne s'inscrit pas nécessairement dans la bonne trajectoire. La diplomatie française déploiera tous ses efforts pour inciter ses partenaires à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, à décarboner leurs économies et à s'engager dans l'abandon des énergies fossiles. L'accord de Paris doit être mis en oeuvre et nous veillerons avec une vigilance scrupuleuse à ce que les prochaines échéances, dont la 29ème conférence des parties à la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP29), portent leurs fruits.

Bien évidemment, la question des financements est centrale pour la transition écologique. Les flux Nord-Sud sont déjà de l'ordre de 1.000 milliards de dollars mais cela reste insuffisant. La France prendra toute sa part dans cette entreprise. Je rappelle que notre financement pour le climat a atteint, en 2022, un record de 7,6 milliards d'euros. Nous souhaitons contribuer à retisser le lien de la solidarité internationale dans ce domaine, comme en témoigne l'initiative du pacte de Paris pour les peuples et la planète prise par le Président de la République en juin 2023, qui encourage à aller plus loin dans le multilatéralisme.

La diplomatie que je mènerai sera non seulement climatique mais aussi féministe. Elle s'attachera à défendre les droits des filles et des femmes, sans concession, dans le monde entier. Je condamne notamment dans les termes les plus forts les violences sexistes et sexuelles commises par le Hamas lors de l'attaque du 7 octobre dernier contre Israël. Le Hamas a utilisé le corps des femmes comme une cible de guerre : c'est un fait. Il me semble important de mettre l'accent sur cette dimension, souvent oubliée dans cette tragédie.

Défendre les droits des femmes à l'étranger consiste également à promouvoir leur pleine participation à la vie politique, sociale et économique de leur pays. Je pense notamment à l'Afghanistan, où les femmes sont effacées de la société, où leur existence est totalement niée. Nous n'aurons de ce fait aucun dialogue avec les Talibans. Sachez que j'annoncerai le 8 mars prochain de nouvelles mesures visant à renforcer notre action dans le cadre de la diplomatie féministe.

Je souhaite enfin mettre l'accent sur les partenariats noués au sein de la francophonie. Le sommet de la francophonie, qui se tiendra en France en octobre 2024, sera l'occasion de valoriser les partenariats que nous voulons construire, des partenariats fiables, ouverts, fondés sur des valeurs partagées et porteurs d'opportunités pour nos concitoyens.

Je tiens, sur tous ces sujets, à entretenir un dialogue constant avec les parlementaires. Je pense notamment que le travail mené avec cette commission pourra s'avérer fructueux. Je crois à la diplomatie, y compris parlementaire : tous les engagements que nous pourrons prendre seront donc discutés avec vous.

(...)

R - Concernant nos trois compatriotes toujours otages au Proche-Orient, vous comprendrez qu'il ne me soit pas possible de vous répondre. Sachez que nous travaillons à leur libération avec Israël, le Qatar et d'autres pays de la région. Il y a eu des discussions, notamment à Paris : cela a été mentionné dans la presse. Les services du ministère, tout comme notre poste diplomatique en Israël, sont pleinement mobilisés sur ce sujet.

La question de la montée des nationalismes sera certainement débattue dans le cadre de la campagne pour les élections européennes puisque le Parlement européen est un organe clé, codécideur avec le Conseil européen sur de nombreux sujets. Aujourd'hui, les points de vue de ces deux instances sont assez convergents, la majorité au Parlement étant fortement pro-européenne. Mais si la situation venait à évoluer à l'issue des élections européennes, cela serait très préjudiciable et conduirait probablement à un blocage et à une absence de décision sur de nombreux dossiers.

(...)

R - Je ne reviendrai pas sur les débats et polémiques relatifs à la réforme du ministère. Des compromis ont été trouvés et le sujet est aujourd'hui bien cadré. J'assume cette réforme car je considère qu'il était nécessaire d'ouvrir notre corps diplomatique à d'autres profils, issus notamment du milieu associatif et du secteur privé.

La situation au Liban est sérieuse. La France a formulé des propositions afin d'éviter l'escalade et l'embrasement de la région. Certaines questions sont notamment en discussion entre les équipes de négociation au niveau technique ; elles remonteront probablement à l'échelon politique dans les prochains jours ou mois. Nous sommes présents au Liban et y avons des intérêts. Rappelez-vous 2006 et l'évacuation de dizaines de milliers de nos compatriotes du Liban vers la France, avec la mise en place de moyens lourds, coûteux et traumatiques pour tous : nous voulons éviter cela. J'ajoute que 700 casques bleus français participent à la Force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL). Lors de ma visite sur place, j'ai mentionné nos intérêts non seulement auprès des responsables libanais mais aussi américains. Ce déplacement nous a permis de mettre nos propositions au centre des discussions avec l'ensemble de nos partenaires.

Au-delà du volet militaire, la situation politique libanaise est également problématique : il n'y a toujours pas de Président de la République. J'ai réaffirmé l'urgence pour le Liban de remédier à cette situation, afin de pouvoir s'exprimer en propre et de ne pas laisser d'autres pays profiter de cette impasse institutionnelle pour parler en son nom. Il est essentiel de veiller à la protection de l'intégrité territoriale du Liban et de nos intérêts sur place mais aussi de permettre aux responsables libanais de porter la voix de leurs concitoyens. Je reviendrai devant vous dès que nos propositions auront été débattues et acceptées localement par les parties prenantes.

Le Président de la République m'a chargé de renouer les liens avec le Maroc, ce qui sous-entend l'existence préalable de certaines incompréhensions. La volonté est là et je souhaite que nous travaillions à la construction d'un nouvel agenda politique. Nous pouvons, je pense, faire mieux et différemment : ce sera l'objet des discussions que j'entends mener avec les responsables marocains, de manière transparente. Il faut respecter l'ensemble des parties et notre lien avec le Maroc est essentiel. Je veux rebâtir, petit à petit, des relations de confiance entre nos deux pays et je pense pouvoir compter sur vous pour contribuer à cette entreprise. Il y va de l'intérêt de la France et du Maroc.

(...)

R - Mes indignations ne sont pas sélectives ; il n'y a pas de votre côté la morale et du nôtre l'immoralisme. Je vois comme vous les images et elles sont effectivement insoutenables.

Nous avons tout d'abord agi sur le plan humanitaire, avec 100 millions d'euros en 2023 et autant déjà en 2024. Nous avons en outre été très clairs sur la nécessité d'un cessez-le-feu. J'en veux pour preuve les propos du Président de la République dans l'échange qu'il a eu cet après-midi avec le Premier ministre israélien. Les souffrances des Palestiniens sont insupportables et des bombardements ou attaques sur Rafah injustifiables.

Nous redoublons d'efforts diplomatiques et sommes présents dans tous les formats de discussion. Je me rends ainsi à Munich à la fin de la semaine pour essayer de construire un compromis euro-arabe avec les pays arabes de la région. Nous espérons parvenir à installer un rapport de force dans la communauté internationale, afin de progresser vers un consensus autour d'une solution politique.

Mon intuition, partagée par les diplomaties de la région, est que les volets sécuritaire et politique ne pourront être résolus de façon distincte. Il faudra traiter les deux ensemble, ce qui implique d'apporter des garanties de sécurité pour tous, y compris pour les Israéliens, et de construire un programme de discussion pour un règlement politique de la question, avec l'objectif de parvenir à une solution à deux Etats. Nous nous attachons actuellement à élaborer le cadre permettant d'engager ces discussions. Votre formation politique est sensible à l'idée de rapport de force pour parvenir à des résultats : entendez que, comme dans la vie politique nationale, c'est aussi une construction au plan international et que nous ne sommes pas aux responsabilités en Israël.

Pour ce qui est des armes, je ne dispose pas ici de l'ensemble des informations et vous transmettrai ultérieurement par écrit des éléments chiffrés, en toute transparence. Les ventes d'armes à Israël sont très résiduelles et s'inscrivent dans le respect des engagements internationaux et européens ; je pense notamment au critère numéro 2 de la position française et européenne sur les droits de l'Homme.

(...)

R - Les déclarations de Donald Trump inquiètent énormément l'ensemble de la communauté internationale. Nous avons le sentiment qu'il ne s'agit pas d'une simple provocation mais plutôt de l'exposé de son programme dans la perspective d'un second mandat. Or nous savons à la lumière de son premier mandat que, quand Donald Trump dit quelque chose, il le fait. Il s'agit pour lui de remettre en cause de manière déterminée le fondement même de l'alliance atlantique, dont il ne perçoit plus les bénéfices. Il n'est d'ailleurs pas nécessaire pour cela que les Etats-Unis quittent l'OTAN : il suffirait que Donald Trump, une fois élu, rende par son discours la garantie de sécurité américaine conditionnelle et transactionnelle. L'article 5 serait caduc.

Il n'est bien évidemment pas question pour nous d'interférer dans la campagne électorale américaine. Le Président de la République l'a dit : il traite avec les dirigeants que les peuples se donnent. Nous devons néanmoins nous interroger et nous préparer en Européens, notamment sur la question de la défense, d'où mes interactions avec mes homologues allemand et polonais dans le cadre du triangle de Weimar. Nos trois pays représentent 200 millions de personnes en Europe, ce qui constitue un poids considérable. Nous avons certes des sensibilités politiques différentes : la ministre des affaires étrangères allemande est issue des Verts et le ministre polonais de la droite conservatrice. Pour autant, je ne doute pas que nous parvenions à construire des convergences permettant d'aller vers des consensus européens. Tel est notre objectif politique, avec un calendrier concret, avec par exemple le Weimar de la jeunesse, mais aussi des sujets sur lesquels nous devons nous défendre : je pense notamment à la lutte contre la désinformation et aux attaques informatiques.

Soyons clairs : la Russie nous attaque quotidiennement, de manière massive, et les scénarios dont nous disposons nous inquiètent. Si demain tous les hôpitaux de la région parisienne étaient inopérants à cause d'une cyberattaque, la situation sanitaire et de sécurité collective serait très complexe. Ce sont de vraies attaques, qui pourraient probablement être qualifiées juridiquement comme telles.

Tous ces sujets doivent faire l'objet de concertations au niveau européen, afin d'instaurer une dynamique visant à renforcer le pilier européen de l'OTAN et la construction européenne collective en matière de défense. C'est le sens de l'histoire.

(...)

R - Un accord bilatéral est en discussion entre la France et l'Ukraine, dans lequel nous entendons décliner les décisions prises collectivement à Vilnius. Ce texte sera probablement signé prochainement par les présidents Zelensky et Macron. Nous vous transmettrons ultérieurement des données chiffrées, à la fois sur le volet militaire et sur les aides civiles allouées dans ce cadre. L'impasse budgétaire de l'Ukraine est estimée à 45 milliards d'euros : le besoin financier est considérable.

Nous accueillons de nombreux Iraniens menacés dans leur pays. C'est l'honneur de la France et nous avons condamné de façon constante ce qu'il se passe en Iran. La question du Hezbollah et celle du risque d'escalade au Liban peuvent être réglées par les propositions que nous avons formulées. La situation est sérieuse mais pas irréversible. La France s'implique dans la résolution du conflit et souhaite contribuer à éviter la survenue d'une nouvelle guerre au Liban. À ce stade, j'ai rencontré mon homologue iranien au siège de l'Organisation des Nations Unies (ONU), où j'ai pu évoquer avec lui un certain nombre de points, dont le sujet de nos compatriotes retenus à Téhéran. J'ai vu les réactions que cette rencontre a provoquées et je comprends les associations impliquées. Mais nous avons passé des messages forts sur ce sujet ; j'ai rencontré les familles concernées.

Nous veillons par ailleurs à ne pas participer à des opérations susceptibles d'engendrer une escalade. En mer Rouge par exemple, nous sécurisons la zone fréquentée par nos bateaux et nos frégates sont intervenues uniquement en défense, pour faire face à des attaques de drones, dont nous soupçonnons très fortement qu'elles aient un lien avec l'Iran. C'est ce que nous disent tous les Etats de la région. Il faut donc maintenir la pression. C'est aussi un point que j'ai évoqué avec mon homologue.

(...)

R - Pour ce qui est de la directive sur le devoir de vigilance, la France a soutenu l'accord en trilogue. En l'absence de majorité qualifiée, nous continuons à travailler. Il est très important pour nous de capitaliser sur les efforts entrepris, puisque notre pays s'est déjà doté d'une législation sur le devoir de vigilance des entreprises. Au moment où l'on parle d'européanisation d'un certain nombre de règles et de clauses miroirs avec les pays tiers, il est de notre intérêt que la réglementation française s'applique aussi dans l'ensemble des vingt-sept Etats membres. Au-delà de la question de fond, sur laquelle nous sommes d'accord, l'élargissement de cette législation à l'échelle de l'Europe évitera toute distorsion de concurrence entre les Etats membres. Des discussions doivent avoir lieu avec plusieurs Etats, dont l'Allemagne encore très réticente. Nous continuons donc de travailler au sein du Conseil européen pour faire aboutir ce dossier.

Concernant l'aide publique au développement, la France est le quatrième bailleur international, via notamment l'Agence française de développement (AFD), avec une contribution annuelle de 15 milliards d'euros. Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères est prêt à installer la commission d'évaluation de l'aide publique au développement, qu'une proposition de loi récemment votée par vos soins lui rattache en vue d'améliorer le fonctionnement de cette instance. Nous aurons l'occasion d'y revenir mais je vous rassure : la volonté politique est bien là.

(...)

R - Notre position sur le Sénégal est très claire : la France appelle les autorités à organiser des élections le plus rapidement possible, conformément à la Constitution du pays. Une aspiration de la jeunesse s'y est fait jour, à laquelle il importe de répondre. La France, si elle n'a bien évidemment pas l'intention de s'ingérer dans les affaires de ce pays souverain, souhaite exprimer son inquiétude. Personne ne peut revendiquer d'autre position française que celle que j'ai exprimée devant la représentation nationale.

Concernant la défense européenne, l'un des enjeux majeurs est de faire en sorte que l'Ukraine réussisse. Cela suppose d'être en mesure de produire rapidement des équipements, en Européens, et donc de disposer d'une industrie capable de passer en économie de guerre. C'est précisément l'objet du plan Breton, qui vise notamment à créer un fonds qui permettra d'acheter en Européens. L'idée d'acheter avec l'argent européen à l'industrie européenne progresse parmi les Etats européens ; la position polonaise a notamment changé avec l'alternance politique. Nous avons construit un consensus sur ce sujet. La deuxième étape consistera à acheter européen avec les budgets nationaux. Nous n'en sommes pas encore là : les budgets de la défense restent souverains et les Etats demeurent maîtres de leurs choix de matériels comme de leur niveau de dépenses. Enfin, nous travaillons avec nos partenaires, en particulier Allemands et Polonais, sur les futures opérations conjointes, notamment d'achat de matériels. Je laisserai le ministre des armées faire le point sur ce sujet.

Au Sahel, nous voulons faire davantage avec les pays qui le souhaitent et moins avec ceux qui nous rejettent. Nous continuons en revanche à aider les populations civiles, les associations et les ONG, y compris dans les pays dirigés par des juntes. Nous maintenons aussi la coopération culturelle.

L'idée s'est répandue, chez les Européens notamment, que le problème était lié à la France ; or la sortie de trois de ces régimes de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) montre que leur isolement est plus profond et sérieux. Je pense que nos collègues européens commencent à le percevoir.

(...)

R - Concernant l'accord entre Israël et l'Union européenne, il incombe à la Commission européenne de vérifier le respect des engagements pris. Nous passerons le message et je regarderai le mécanisme.

Ce sujet est distinct de celui de Gaza mais il ne vous aura pas échappé que nous sommes les seuls, au sein de l'Union européenne, à avoir pris des sanctions contre des colons israéliens dont les violences extrêmes exercées sur les Palestiniens en Cisjordanie sont inacceptables.

La décision de la CIJ correspond précisément à la position de la France, puisqu'elle invite au respect du droit et condamne les appels à la violence, sans toutefois insister sur la nécessité d'un cessez-le-feu, comme elle l'avait fait pour l'Ukraine. Nous appelons, nous, à un cessez-le-feu.

Quant à la CPI, elle enquête déjà et la France contribuera aux argumentaires. Elle n'a donc pas besoin d'être saisie.

Concernant le Conseil de sécurité des Nations Unies, sachez que la France a voté toutes les résolutions, continuera de le faire et en prépare de nouvelles.

(...)

R - Nous rejetons le communiqué publié par les autorités comoriennes. Je réaffirme avec la plus grande force que Mayotte est et reste française, comme le Quai d'Orsay le fait inlassablement dans toutes les enceintes internationales.

La défense de Mayotte passe par une réduction de la pression migratoire. Vous connaissez les actions entreprises en ce sens par le ministre de l'intérieur. Des discussions diplomatiques, dont je vous tiendrai informés, vont s'engager. Nous devons défendre la souveraineté française à Mayotte comme dans la région : nos diplomates sont pleinement mobilisés et nous prendrons des initiatives en ce sens.

(...)

R - Je ne peux évidemment pas répondre à cette question mais c'est une priorité. J'ai d'ailleurs eu récemment l'occasion d'évoquer ce sujet avec mon homologue iranien à l'ONU. Moins j'en dis, mieux c'est ; mais soyez assuré que nous sommes tous mobilisés.

(...)

R - Les combats ont repris et doivent s'arrêter. J'aurai prochainement des contacts avec mes homologues, afin d'évoquer cette question. Je vous informerai de la teneur de ces échanges. Notre position est claire : le Rwanda doit s'impliquer et faire pression sur le M23, afin de faire cesser les combats.

(...)

R - C'est un modèle que nous chérissons, celui d'un journalisme indépendant, porteur d'une information fiable. C'est l'acide désoxyribonucléique (ADN) européen. À l'ère de la désinformation, nous ne pouvons que nous réjouir de l'exporter.

Cela nécessite toutefois d'y consacrer des moyens. Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères y contribue, par l'intermédiaire de financements alloués à quatre projets nouveaux, menés notamment par France Médias Monde : la création d'une rédaction arabophone à Beyrouth et d'une rédaction en langue turque exclusivement numérique, un décrochage de France 24 en Afrique et une plateforme panafricaine de contenus à destination des réseaux sociaux. Nous suivrons attentivement, avec vous, leur déploiement, qui est prévu d'ici à 2025.

(...)

R - Je ne partage pas votre approche sur ce dernier point mais nous pourrons en débattre. Nous avons fixé des grands principes pour l'aide publique au développement en matière de biodiversité et d'accompagnement du changement climatique. J'y serai particulièrement attentif, notamment sur les aspects relatifs aux forages pétroliers ou gaziers mais aussi miniers.

En ce qui concerne, l'Arménie, nous essayons actuellement de construire une coalition européenne visant à apporter davantage de soutien aux Arméniennes et Arméniens victimes d'une guerre injuste et de déplacements de populations. Je pense que la situation évolue sur ce sujet en Europe. La prise de distance du Premier ministre arménien Pachinian vis-à-vis de la Russie nous permet en effet d'entrevoir un soutien plus franc et massif de nos collègues européens.

(...)

R - La France est, je le répète, le premier pays de l'Union européenne à prendre ce genre de sanctions. Le communiqué mentionne que les colonies sont illégales et peuvent empêcher la solution à deux Etats. Ces sanctions frappent des "colons israéliens extrémistes qui se sont rendus coupables de violences".

Nous avons pris nos responsabilités et sommes capables à la fois de dénoncer le terrorisme palestinien et de nous adresser aux Israéliens lorsque les situations nous paraissent inacceptables.

(...)

R - La condamnation absolue des actes terroristes n'est pas contradictoire avec le fait de considérer comme insupportables les souffrances endurées par les populations civiles palestiniennes. Le communiqué du Président de la République n'invalide pas notre volonté de lutter contre le terrorisme et d'aboutir à une situation à deux Etats, la sécurité étant garantie à chacun.

Pourquoi voulez-vous opposer les deux ? La conséquence diplomatique et politique du niveau de souffrance des Palestiniens est la demande d'arrêt des combats et de cessez-le-feu. Cela n'amoindrit aucunement notre volonté d'accompagner Israël dans la lutte contre le Hamas.

(...)

R - Je vous ferai la même réponse qu'à Mme Panot. Ces ventes sont strictement encadrées par le droit international. Je vous ferai parvenir des données chiffrées, en toute transparence.

(...)

R - Nous n'avons pas suspendu les financements à destination de l'UNRWA ; nous avons même été félicités par les responsables de cette agence pour notre position d'équilibre. Les accusations portées par Israël sont graves et nous attendons les résultats de l'audit en cours, qui nous renseignera sur la situation passée et nous apportera des garanties pour l'avenir. Il était de toute façon prévu que la France n'effectue pas de versement à destination de l'UNRWA avant le deuxième trimestre 2024.

(...)

R - Nous avons toujours soutenu les Kurdes et nous dénonçons toutes les attaques dirigées contre eux. Nous finançons par ailleurs des opérations dans le Nord-Est syrien notamment, à hauteur de plus de 20 millions d'euros. Le message est donc extrêmement clair du point de vue diplomatique et la France est financièrement au rendez-vous.

(...)

R - Je vous invite à lire mon compte rendu de l'entretien et pas celui publié par l'Iran. Ce que vous citez, c'est une note diplomatique qui a fuité, sans doute pour nous mettre en difficulté. Je n'ai jamais prononcé la phrase que vous rapportez, qui serait en totale contradiction avec la position constante et historique de la France sur ce dossier. Une telle phrase ne peut pas exister dans ma bouche. Evitons les fake news iraniennes.

Nous sommes par ailleurs en train d'étudier la possibilité juridique de publier les noms des personnes concernées par les sanctions qui ont été prises et annoncées.

(...)

R - Nous sommes bien évidemment soucieux de respecter le droit international. Je redis que je vous indiquerai ce qu'il en est de nos ventes d'armes, en toute transparence, mais qu'elles sont résiduelles. Il convient toutefois d'être précis dans les termes : la CIJ ne dit pas ce que vous lui faites dire.

(...)

R - Les Balkans occidentaux sont évidemment une région stratégique pour l'avenir de l'Europe et j'attends votre rapport avec impatience. L'influence russe y est certainement la plus pernicieuse à court terme. Nous partageons votre préoccupation en matière de lutte contre la désinformation. Le retour d'expérience des pays des Balkans pourrait nous intéresser, comme nous serions susceptibles de les aider sur le plan technologique, notamment informatique./.

(Source : site Internet de l'Assemblée nationale)

Retour sommaire


No comments:

Post a Comment