Thursday, November 18, 2021

L’Europe exporte des milliers de tonnes de pesticides « tueurs d’abeilles » pourtant interdits sur son sol

 L’Europe exporte des milliers de tonnes de pesticides « tueurs d’abeilles » pourtant interdits sur son sol

L’UE a donné son feu vert aux demandes d’exportation d’au moins 4 000 tonnes de néonicotinoïdes interdits, notamment au Brésil. La France est le deuxième pays exportateur.

Par Stéphane Mandard

Publié aujourd’hui à 00h00, mis à jour à 09h39 

Temps de Lecture 6 min.

Lors d’une manifestation contre les géants industriels Syngenta et Bayer, sur la place de la République, à Paris, en mai 2018.

Lors d’une manifestation contre les géants industriels Syngenta et Bayer, sur la place de la République, à Paris, en mai 2018. 

LIONEL BONAVENTURE / AFP

Depuis 2018, l’Union européenne (UE) interdit sur son sol l’usage de trois insecticides néonicotinoïdes (l’imidaclopride, le thiaméthoxame et la clothianidine), considérés comme des « tueurs d’abeilles » et une grave menace pour la biodiversité. Pourtant, une quinzaine de pays, dont la France, accordent toujours des dérogations temporaires, en particulier aux producteurs de betteraves sucrières. Surtout, l’UE continue à produire et à exporter massivement ces pesticides ultratoxiques dont elle ne veut plus dans ses champs.

Une enquête publiée jeudi 18 novembre, et à laquelle Le Monde a eu accès, révèle l’ampleur de ce commerce. Selon les données confidentielles obtenues par Unearthed, la cellule investigation de la branche britannique de Greenpeace et l’association suisse Public Eye, les autorités européennes ont donné leur feu vert aux demandes d’exportation d’environ 4 000 tonnes de pesticides, contenant plus de 700 tonnes de substances actives d’imidaclopride, de thiaméthoxame et de clothianidine. Suffisant pour traiter 20 millions d’hectares de cultures, soit plus que l’ensemble des terres arables en France, et tuer 100 millions de milliards d’abeilles selon les valeurs de toxicité de référence. Un tonnage impressionnant, mais largement sous-estimé, puisqu’il ne correspond qu’à la période entre le 1er septembre et le 31 décembre 2020.

Ce n’est en effet que depuis le 1er septembre 2020 que les fabricants de pesticides ont l’obligation de transmettre à l’Agence européenne des produits chimiques ou aux autorités réglementaires nationales, les quantités de néonicotinoïdes interdits qu’ils veulent exporter hors de l’UE. Environ 300 « notifications d’exportations » ont été approuvées entre le 1er septembre et le 31 décembre 2020 à destination de 65 pays différents, dont une très large majorité à faible ou moyen revenus comme le Brésil, l’Indonésie ou l’Ukraine. Neuf pays européens sont concernés par ce « commerce toxique », comme le désignent les ONG. Avec 310 tonnes de substances actives, la Belgique est de loin le plus gros exportateur, devant la France (157 tonnes), l’Allemagne (97 tonnes) et l’Espagne (78 tonnes).

Trois fois la superficie de la Belgique

Derrière ces exportations se cachent les géants de l’agrochimie. Avec le thiaméthoxame, qu’il est le seul à fabriquer et à commercialiser, Syngenta est responsable de plus des trois quarts des volumes exportés (3 426 tonnes dont 551 tonnes de substances actives). L’ex-firme suisse, désormais sous pavillon chinois, a soumis plus de 150 notifications d’exportations sur les quatre mois de données disponibles. Une d’entre elles est particulièrement significative. Elle concerne une demande d’envoi massif pour son « best-seller » au Brésil, l’Engeo Pleno S, un mélange de thiaméthoxame et de lambda-cyhalothrine, une substance également très toxique pour les pollinisateurs : 2,2 millions de litres d’insecticides destinés aux gigantesques plantations de soja brésiliennes. Une quantité qui permettrait de traiter plus de trois fois la superficie de la Belgique, d’où a été expédiée la commande. Outre la Belgique, Syngenta possède des unités de production de thiaméthoxame en France, Espagne, Grèce, Autriche et Hongrie.


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