2. Grèce - Discours de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, lors d'une déclaration conjointe avec M. Nikos Dendias, ministre des affaires étrangères de Grèce (Athènes, 19/11/2021)
Cher Nikos, merci.
Je vais m'adresser à vous en français mais, j'ai fait sept ans de grec ancien. J'ai toujours mon dictionnaire, très gros, que je n'utilise pas, mais j'ai toujours mon dictionnaire. J'ai fait sept ans de grec ancien mais cela fait très longtemps. En tout cas, c'est une raison supplémentaire pour moi d'être très heureux d'être ici, à Athènes, et de te rencontrer ici, même si nous nous voyons souvent à Bruxelles, ailleurs, Tripoli, Paris, mais cette visite a une dimension symbolique que tu as soulevée, d'abord dans le cadre des cérémonies du bicentenaire et aussi dans la traduction concrète de notre partenariat stratégique que nous avons signé, ensemble, à Paris. Nous avons une relation très forte, de puissants liens d'amitié, une relation de confiance qui se manifestent à tous les niveaux que ce soit dans la relation bilatérale, relation au sein de l'Union européenne et au sein de l'Alliance atlantique et nous avons des affinités profondes dans notre conscience européenne autant que dans notre imaginaire collectif et moi dans mon histoire personnelle.
C'est bien ici, comme le disait le Président de la République, lorsqu'il est venu à Athènes au mois de septembre, c'est "à l'ombre de l'Acropole que nos racines, nos valeurs démocratiques ont pris naissance". Il y a ce symbole-là qui est encore plus fort aujourd'hui dans la mesure où jamais nos relations ont été aussi fortes depuis très longtemps. Le partenariat stratégique en est la traduction. Mais il est aussi un nouveau point de départ, que tu as évoqué et que nous allons concrétiser au fur et à mesure des mois.
Je souhaitais aussi, au moment où la présidence française du Conseil de l'Union européenne va commencer, venir aussi pour écouter notre partenaire grec sur ses attentes et pour préparer mieux encore notre rôle futur à partir du 1er janvier.
Nous avons eu l'opportunité ensemble de parler d'un sujet essentiel pour l'Union, et d'un sujet pour lequel la France essaiera de faire aboutir le concept : celui de la "Boussole stratégique" et des moyens de préparer collectivement l'Union et ses Etats membres au nouvel environnement géostratégique qui est le nôtre, qui est un monde plus brutal, un monde où les transformations s'accélèrent, où les compétitivités s'accroissent, mais où aussi les tentatives de déstabilisation dans notre voisinage se font de plus en plus nombreuses et de plus en plus répétées. L'enjeu de cette Boussole stratégique est de faire en sorte que l'Union européenne se donne les moyens de sa souveraineté et considère que, dans ce concept, la Grèce est un pays clé pour la défense de nos intérêts, mais aussi pour la mise en oeuvre de la souveraineté européenne. Parce que la souveraineté européenne, ce n'est pas la substitution des souverainetés nationales. C'est un plus par rapport aux souverainetés nationales, c'est un renforcement des souverainetés. C'est ainsi que nous déclinons ce concept. Donc, nous aurons à évoquer tout cela en définissant une approche proprement européenne des menaces qui pèsent sur nous, en renforçant nos capacités opérationnelles et industrielles et en défendant nos intérêts et notre liberté d'action dans ce qu'on appelle les espaces contestés. Les espaces contestés, ce sont ces espaces qui logiquement appartiennent à tout le monde, à condition qu'ils soient régulés, et qui en fait deviennent contestés par les uns ou par les autres, par telle ou telle puissance. Dans les espaces contestés, il y a la mer, il y a l'espace et le cyber. Trois espaces sous lesquels il faut garder cet espèce de partage commun que nous devons avoir à l'égard de ces espaces et en même temps la nécessité de réguler. C'est tout cela qui sera dans le concept de Boussole stratégique.
Ce travail est déjà engagé depuis la semaine dernière et j'espère que nous pourrons aboutir.
Tu l'as dit, je ne vais pas le reprendre complètement, nous avons aussi partagé, ce matin, nos vues sur plusieurs sujets régionaux :
- tout d'abord, la situation en Méditerranée orientale, sur laquelle nous devons rester extrêmement vigilants, en permanence ;
- nous avons également évoqué la situation dans les Balkans qui demande beaucoup d'attention et peut-être des initiatives rapides ;
- nous avons évoqué la question chypriote et nous espérons que l'ensemble des parties puissent reprendre les négociations, dans le cadre défini par les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies ;
- nous allons, bien sûr, évoquer la crise en Libye, à la suite de la conférence qui s'est tenue à Paris, et à laquelle le Premier ministre, que j'ai eu l'honneur de rencontrer ce matin, était présent, ainsi que toi-même ;
- et nous avons aussi fait en sorte que nous puissions évoquer l'ensemble des questions liées au Sahel, "la frontière Sud de l'Europe".
Dans ce que tu viens de dire, j'apprécie vraiment beaucoup le fait que la Grèce s'engage dans une politique de partenariat avec l'Afrique. Parce que ce continent, lui aussi, doit acquérir d'une certaine manière sa souveraineté. Il ne doit pas être laissé aux mains de ceux qui veulent uniquement être des prédateurs, ou de ceux qui veulent s'insérer dans l'affaiblissement de certains Etats pour y faire pénétrer leur propre puissance. Et, sur cette démarche là que tu as initiée, je peux dire que nous sommes en plein soutien et que ce sera aussi l'un des sujets de la présidence française.
Voilà, nous sommes dans tous ces échanges dans une très grande proximité d'analyses, dans une véritable convergence de nos positions, et dans une volonté d'aller de l'avant dans notre coopération bilatérale, comme face aux défis européens et régionaux pour que nous puissions, par nos propres convictions, par notre propre détermination, et par aussi par notre convergence commune, faire avancer une véritable souveraineté stratégique de l'Europe. En tout cas, c'est un moment non seulement utile pour moi, symbolique de la force de notre relation et aussi déterminant pour ce que nous voulons faire ensemble de l'Europe, parce que si nous voulons que l'Europe soit notre devenir, il faut qu'elle s'affirme comme puissance. Depuis très longtemps l'Europe n'a peut-être pas osé dire qu'elle était une puissance. Nous sommes une puissance ; séparément, sans doute pas, mais collectivement, nous sommes une puissance. Il faut que nous en prenions conscience et que nous l'affirmions avec beaucoup de force pour pouvoir peser dans les grands enjeux du monde./
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