Ukraine - Conférence de presse conjointe de M. Stéphane Séjourné, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, et de M. Dmytro Kuleba, ministre des affaires étrangères de l'Ukraine - Propos de M. Stéphane Séjourné (Kiev, 13/01/2024)
Merci beaucoup, Monsieur le Ministre, pour ce compte-rendu et vos mots.
J'ai tenu à me rendre en Ukraine pour ma première visite en tant que ministre de l'Europe et des affaires étrangères, le lendemain même de ma prise de fonctions. C'est un message adressé aux Ukrainiens et c'est une volonté d'instaurer une relation un peu plus personnelle entre nous. Dans le temps que nous vivons, nous aurons également vocation à travailler très étroitement ensemble, j'y reviendrai dans ma déclaration.
En dépit des multiplications des crises, l'Ukraine est et restera la priorité de la France. C'est un message important, que nous vous délivrons : c'est en Ukraine que se joue aujourd'hui la défense des principes fondamentaux du droit international, des valeurs de l'Europe, mais aussi des intérêts de la sécurité des Français.
Depuis bientôt maintenant deux ans, la Russie persiste dans sa guerre d'agression. Cette guerre d'agression a de lourds impacts au-delà de l'Europe. Nous en voyons, d'ailleurs, les conséquences un peu partout en Europe, Monsieur le Ministre, notamment pour les pays les plus pauvres, qu'il s'agisse de l'augmentation des prix de l'énergie ou encore de l'aggravation de la question de la sécurité alimentaire.
La Russie espère que l'Ukraine et ses soutiens se lasseront avant elle. Nous ne faiblirons pas. C'est le message que je viens apporter, ici, aux Ukrainiens. Notre détermination est intacte, tout comme notre admiration pour le courage et la résilience du peuple ukrainien dans cette période qui est très difficile.
Je veux rendre hommage dans ce cadre-là d'abord aux sacrifices des soldats ukrainiens, de leurs familles, à leur combat pour la liberté et l'indépendance de leur pays. Je me suis rendu, ce matin, place Maïdan, en hommage au peuple et aux combattants, notamment de la démocratie, qui signifie quelque chose pour l'Europe.
C'est l'ADN même de notre Europe qui se joue ici et le sang a été versé au nom de ses valeurs et de cet ADN. La Russie continue, d'ailleurs, à cibler volontairement et à frapper les infrastructures civiles en dépit du droit international et humanitaire. Par ces frappes, la Russie continue à se rendre coupable de crimes de guerre et porte seule la responsabilité d'une escalade que nous condamnons fortement.
Face à ces violations des principes les plus élémentaires de la Charte des Nations unies, je veux redire, aujourd'hui, que la France restera aux côtés des Ukrainiens dans la durée, et autant qu'il le faudra, Monsieur le Ministre. Notre soutien se décline aujourd'hui - et vous le savez, nous en avons parlé dans notre entretien de manière très concrète - dans plusieurs domaines de coopération. Le domaine militaire : nous avons fourni aux forces armées ukrainiennes les équipements qui contribuent à la défense du pays. Je pense notamment à l'artillerie, à la défense anti-aérienne.
Nous savons que l'efficacité de ces technologies est un précieux atout, y compris dans l'effort militaire que vous menez. Nous entrons aujourd'hui dans une phase nouvelle et notre coopération de défense doit aussi évoluer. Elle vise également à renforcer la capacité ukrainienne de produire sur son sol des capacités dont elle a besoin. Nous serons également, dans ce cadre-là, en aide. Vous avez évoqué les coopérations avec les grandes entreprises. Mon homologue, le ministre des Armées, était venu ici, justement, pour faciliter ; on a levé un certain nombre de sujets juridiques, ce qu'il faudra poursuivre, que ce soit au niveau européen ou au niveau bilatéral. Je m'emploierai dans les prochains jours et prochaines semaines à lever ces sujets juridiques.
Dans le domaine civil, nous poursuivrons notre aide humanitaire dans le domaine de l'éducation, de la santé, ou encore du déminage - vous avez également évoqué le sujet - avec des projets de formation, de réhabilitation technique, y compris d'écoles, d'hôpitaux, menés notamment par des ONG, sur lesquels il y aura un certain nombre de rencontres, cet après-midi, pour ce qui me concerne.
Nous tenons également à encourager nos entreprises à investir en Ukraine. Une des premières opérations majeures est en cours de finalisation. Nous souhaitons faire aboutir plusieurs projets dans le secteur des transports, de la santé, de l'énergie des télécom et de l'eau. Nous travaillons à la mise en place d'un nouvel instrument sur le soutien à nos entreprises dans le secteur de la défense. Le fonds français de soutien a été réabondé, ces dernières semaines.
Nous souhaitons également déployer en Ukraine nos outils les plus efficaces pour la reconstruction et favoriser l'implantation de l'AFD qui est notre agence de développement. Ce soutien revêt une dimension éminemment européenne pour nous. La décision du Conseil européen de décembre permettra d'ouvrir les négociations d'adhésion et constitue une vraie étape historique, un vrai chemin pour l'Ukraine dans son appartenance à nos institutions.
J'ai oeuvré sans relâche, et vous le savez, au Parlement européen, dans mes anciennes fonctions pour favoriser une telle décision. Je réaffirme ici ma conviction : l'avenir de l'Ukraine est au sein de l'Union européenne. C'est également la position du Président de la République et du gouvernement français.
Je veux insister sur cette avancée majeure qu'a constituée la décision d'ouverture des négociations d'adhésion. Elle est le fruit d'un engagement constant du gouvernement ukrainien dans des réformes et une volonté des Ukrainiens d'être sur les deux fronts, celui de la guerre et celui des réformes, ce qui, nous le savons, n'est pas évident. Et malgré cette agression russe, vous avez été en capacité de faire énormément d'avancées dans ces conditions.
Nous serons aux côtés des Ukrainiens afin de les accompagner dans les prochaines étapes, comme nous l'avons fait depuis le début de la guerre. La visite du Président de la République et d'autres dirigeants européens à Kiev en juin 2022 avait permis l'octroi du statut de candidat, et ce chemin exigeant mais nécessaire doit se poursuivre sur le volet économique et celui des réformes.
Le prochain Conseil européen se tiendra le 1er février. Nous avons échangé sur notre capacité à maintenir l'unité européenne des Vingt-Sept lors de ce Conseil européen. La France en tout cas pèsera de tout son poids pour l'adoption de la facilité ukrainienne. Cet instrument de 50 milliards d'euros doit permettre non seulement de financer le budget de l'Etat ukrainien - c'est à dire les hôpitaux, les écoles, la justice, la dépendance et les dépenses sociales que vous avez nombreuses - mais aussi de financer les investissements de long terme pour la transition énergétique et les infrastructures de transport. Nous devons d'ores et déjà engager cette reconstruction, dont nous avons parlé : l'Ukraine européenne de demain commence aujourd'hui. Nous devons penser l'Ukraine de demain dans toutes ces dimensions. L'effort européen pour l'assistance militaire à l'Ukraine doit lui aussi être poursuivi et contribuera notamment à l'avènement d'un véritable instrument européen de défense.
La stratégie industrielle de défense européenne, qui sera présentée en février, donnera un nouvel élan au développement des capacités de défense des Etats membres. Je suis convaincu de la nécessité d'un effort supplémentaire et je veux que l'on puisse étudier toutes les options, je l'ai redit au ministre, et nous le ferons dans les prochaines semaines.
Enfin, nous soutenons activement les efforts diplomatiques de l'Ukraine qui continue à oeuvrer pour une paix juste et durable. En 2022, le Président Zelensky lançait au G20 sa formule de paix. Un nombre croissant de pays y participent aujourd'hui. C'est encourageant pour la suite. La France la soutient pleinement et est fortement impliquée. Ce processus démontre que les Occidentaux ne sont pas seulement déployés contre la violation du droit international, mais également dans la défense de l'intégrité territoriale européenne.
Je me rendrai dans la foulée de ce déplacement, vous le savez, en Allemagne et en Pologne. Et j'attache une grande importance au Triangle de Weimar, je l'ai redit au ministre. Car nous devons, aujourd'hui, peser en format européen pour garder cette unité européenne - et ce sera en tout cas toute ma responsabilité - et nous jouerons ensemble un rôle crucial pour agir en faveur du renforcement de l'aide à l'Ukraine. C'est la promesse que j'ai faite et le message que j'ai porté ici au ministre.
Merci beaucoup./.
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