3. Arménie - Intervention de M. Stéphane Séjourné, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, dans le cadre de l'examen au Sénat d'une proposition de résolution présentée en application de l'article 34-1 de la Constitution (Paris, 17/01/2024)
Madame la Présidente, Messieurs Retailleau et Devinaz, Mesdames, Messieurs les Sénateurs, Madame l'Ambassadrice - j'ai plaisir à vous voir dans cette tribune -, la proposition de résolution examinée aujourd'hui par le Sénat porte sur un enjeu vital pour la France et pour l'Europe : assurer une paix durable et juste dans le Sud-Caucase, dans le respect des principes du droit international.
L'engagement en la matière de la France aux côtés de l'Arménie est "inconditionnel, entier et constant", selon les termes du Président de la République.
Mesdames, Messieurs les Sénateurs, au travers de cette proposition de résolution transpartisane, vous vous interrogez sur la concrétisation de notre solidarité à l'égard de l'Arménie. Comme vous l'indiquiez les uns et les autres, aucun autre pays que la France ne fait autant pour cet Etat. Nous assumons nos responsabilités.
Nous avons condamné l'exode forcé des Arméniens du Haut-Karabakh, provoqué par l'Azerbaïdjan sous le regard complice de la Russie. Notre condamnation s'est accompagnée d'une action résolue, à la mesure de l'émotion suscitée par cette tragédie. Permettez-moi d'en rappeler les grandes lignes.
Premièrement, nous avons apporté un soutien humanitaire renforcé à l'Arménie et aux réfugiés du Haut-Karabakh, en triplant notre assistance financière entre le 19 septembre dernier et les jours suivants. Nous avons ainsi porté son montant à 29 millions d'euros en 2023. Je salue d'ailleurs le vote par le Parlement d'une aide d'urgence supplémentaire de 15 millions d'euros.
Nous appuyons de ce fait l'action du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), de la Croix-Rouge arménienne et des agences des Nations unies. Ces moyens permettent également d'accueillir la population et d'assurer la prise en charge d'une aide particulière, sociale et médicale, pour les plus vulnérables face à cette crise. De plus, une aide médicale d'urgence a été fournie aux autorités arméniennes, et les hôpitaux français se sont occupés de plusieurs grands brûlés.
Grâce à la société civile, l'Etat ne contribue pas seul à ce soutien. Ici, au Sénat, je tenais à remercier l'ensemble des collectivités territoriales, qui, il faut le dire, ont été au rendez-vous de cette cause. Je salue devant vous leur mobilisation humanitaire et financière.
Deuxièmement, nous avons apporté une réponse politique. La France a été aux avant-postes de la mobilisation internationale. Nous avons agi aux Nations unies ; trois réunions du Conseil de sécurité se sont tenues sur notre initiative. La première a d'ailleurs eu lieu au lendemain de l'offensive azerbaïdjanaise.
Nous l'affirmons clairement, la force et la menace ne doivent pas définir l'avenir de l'Arménie et des négociations de paix.
Le 5 octobre dernier, à Grenade, en marge du sommet de la Communauté politique européenne (CPE) et aux côtés du Premier ministre arménien, du chancelier allemand et du président du Conseil européen, le Président de la République a signifié notre soutien indéfectible à l'indépendance, à la souveraineté, à l'intégrité territoriale et à l'inviolabilité des frontières de l'Arménie. J'indique de nouveau ici notre extrême vigilance s'agissant de leur respect.
Le Président de la République a reçu le Premier ministre Pachinian le 9 novembre dernier à Paris, pour marquer sa solidarité, sa détermination et la solidité de notre engagement plein et entier aux côtés des Arméniens et du peuple arménien. L'objectif était également d'évoquer la manière d'accroître notre assistance.
Troisièmement, nous renforçons notre relation bilatérale. Les actes très concrets sont là. Ainsi, la France a donné son accord à la conclusion de contrats pour livrer du matériel militaire. L'Arménie doit pouvoir protéger sa population et son territoire, et notre pays continuera à agir dans ce domaine dans un esprit de responsabilité et sans aucun esprit d'escalade.
Dans la même logique politique, nous renforcerons notre présence dans la région par l'ouverture prochaine d'une agence consulaire et nous continuerons à appuyer le développement de projets d'infrastructures dans les domaines stratégiques, tels que les transports, l'énergie et l'eau.
Quatrièmement, notre soutien passe aussi par l'Europe. Même si elle a été tardive, une prise de conscience a eu lieu au cours de ces derniers mois. Il existe désormais un consensus pour bâtir un plan de soutien à l'Arménie indépendante, souveraine et démocratique.
Lors de ses réunions des 26 et 27 octobre, le Conseil européen a demandé aux institutions de travailler au renforcement des relations entre l'Union européenne et l'Arménie dans toutes leurs dimensions. À la demande de la France, le Conseil des affaires étrangères a décidé d'accroître les effectifs de la mission civile de l'Union européenne en Arménie. Il s'agit de renforcer pour nous la présence européenne sur les points sensibles de la frontière entre ce pays et l'Azerbaïdjan.
De plus, des discussions sont en cours pour que l'Arménie bénéficie d'un soutien au titre de la Facilité européenne pour la paix. Là encore, espérons que cette proposition, à l'initiative de laquelle était la France, puisse progresser.
Ces avancées sont essentielles. Nous nous en félicitons. Vous pouvez compter sur notre détermination pour continuer à faire bouger les lignes.
Mesdames, Messieurs les Sénateurs, la conviction de la France reste inchangée : seul un processus négocié apportera la paix aux populations du Sud-Caucase. La France souhaite que les négociations se poursuivent pour normaliser les relations entre les deux Etats. Elle apporte tout son soutien aux discussions et aux efforts de médiation, à la fois européens et américains.
Il est important que l'Azerbaïdjan lève toute ambiguïté sur le respect de l'intégrité territoriale de l'Arménie. Nous souhaitons que le Caucase et le Sud-Caucase soient un espace de paix et de coopération, où les frontières sont ouvertes. Ce serait un signal très fort, y compris pour nos relations avec les pays de la région.
Des gestes de bonne volonté réciproque ont été consentis par les deux Etats en décembre dernier, notamment la libération de certains prisonniers. Ce signal est positif, mais insuffisant. Espérons que de telles annonces constituent un premier pas pour résoudre la situation des autres détenus, que vous avez tous évoquée.
Ma conviction est aussi qu'une paix juste et durable se trouve possible uniquement dans le respect du droit international, de la souveraineté, de l'intégrité territoriale et de l'inviolabilité des frontières des deux Etats. Nous serons intransigeants sur ces grands principes.
En outre, l'Azerbaïdjan doit prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher et pour punir les actes de dégradation et de profanation du patrimoine culturel, religieux et funéraire arménien.
Les graves événements de l'automne ont permis de réveiller les consciences de nombreux Européens, qui voyaient le confit du Sud-Caucase comme lointain. Or il nous concerne tous, interrogeant le respect du droit et nous mettant face à des déplacements entiers de population et à des menaces sur un Etat souverain. Une démocratie est menacée !
Mesdames, Messieurs les Sénateurs, telle est la ligne de conduite de la France. Avec constance et exigence, nous oeuvrerons pour la paix, soutiendrons tous les efforts sincères en faveur de cette dernière, défendrons le droit international et nous tiendrons aux côtés du peuple arménien et des Arméniens du Haut-Karabakh. Notre action continuera et prendra de l'ampleur dans les prochains mois./.
(Source : site Internet du Sénat)
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