Wednesday, February 5, 2025

L'EXPRESS Jean-François Colosimo : "Russie, Chine, Iran… Ils finiront tôt ou tard par se combattre" - Propos recueillis par Baptiste Gauthey Publié le 11/04/2024 à 20:00

 L'EXPRESS 

Jean-François Colosimo : "Russie, Chine, Iran… Ils finiront tôt ou tard par se combattre"

Idées. Pour l’éditeur et essayiste Jean-François Colosimo, les cinq néo-empires qui menacent l’ordre planétaire et luttent contre la supposée hégémonie de l’Occident seront demain des adversaires.

Propos recueillis par Baptiste Gauthey

Publié le 11/04/2024 à 20:00


Le président russe Vladimir Poutine (d) et son homologue chinois Xi Jinping, le 21 mars 2023 au Kremlin, à Moscou


"[Les néo-empires] récusent les droits fondamentaux de l’individu en les indexant sur son degré d’adhésion à l’idéologie et se réservent la faculté de le soustraire de l’humanité. Ils justifient ainsi le recours à la barbarie", analyse Jean-François Colosimo. (Ici, Vladimir Poutine et Xi Jinping, le 21 mars 2023, à Moscou.)


afp.com/Mikhail TERESHCHENKO


On pensait l’impérialisme mort, enterré et relégué aux livres d’histoire. Rien n’est plus faux, nous rappelle le directeur des éditions du Cerf et spécialiste de l’histoire des religions, Jean-François Colosimo, dans son dernier essai, Occident, ennemi mondial n° 1*, paru chez Albin Michel. Pour lui, les empires n’ont fait qu’hiberner. Au nombre de cinq – Russie, Chine, Inde, Iran et Turquie –, ils menacent l’ordre planétaire. Mus par un profond ressentiment à l’égard d’un Occident qu’ils fantasment, ces "néo-empires" ne cachent plus leurs velléités expansionnistes, dont l’invasion de l’Ukraine par la Russie de Vladimir Poutine et les visées de Xi Jinping sur Taïwan ne sont que deux exemples parmi d’autres.


L’Express : Dans votre dernier livre, vous alertez sur un "retour des empires". Comment le décririez-vous ?


Jean-François Colosimo : Les cinq néo-empires qui bouleversent désormais la scène internationale partagent une communauté de destin. Ils se rêvent les héritiers des grands ensembles dynastiques qui ont disparu au tournant du XXᵉ siècle : tsariste pour la Russie, ottoman pour la Turquie, perse pour l’Iran, mandchou pour la Chine et moghol pour l’Inde. Ils sont les descendants directs des révolutions et des expériences de modernisation à marche forcée qui ont été greffées sur ces réalités défuntes à partir de deux modèles européens : le communisme totalitaire et le nationalisme autoritaire. Et ils se sont livrés, après l’échec patent des utopies sociales et des religions séculières, à de similaires reconstructions identitaires.


LIRE AUSSI : Pourquoi l’Occident n’a pas dit son dernier mot face à Poutine et Xi Jinping


Aujourd’hui, ces cinq néo-empires forment une alliance de circonstance contre ce qu’ils nomment l’Occident, cet utile bouc émissaire qui leur sert à justifier leurs ambitions renouvelées d’expansion. Moscou agresse l’Ukraine, Ankara revendique les Balkans, Téhéran agite le Levant, Pékin cible Taïwan, New Delhi soumet le Cachemire. Et la Russie, la Chine, la Turquie annexent l’Afrique sous prétexte de la libérer du colonialisme ! Partout, ces prédateurs affichent la même logique de la force. Dans leurs frontières, par la domestication des masses. Hors de leurs frontières, par la domination des peuples. Et toujours, dans la négation du droit.


“Aujourd’hui alliés, ils seront demain des adversaires.”

Vous dites qu’ils risquent de faire "basculer l’ordre planétaire". Pourquoi ?


Avec eux, ce n’est plus la concorde, c’est la discorde qui devient multipolaire. Il n’y a pas lieu de redouter une troisième guerre mondiale sur le modèle des précédentes. Nous sommes entrés, en fait, dans la première guerre mondialisée : une multiplication de batailles intermittentes autour des routes de l’énergie, des corridors de communication, des zones leviers ou tampons. Voyez l’Afghanistan, ce pivot de l’Eurasie qui est plongé dans le chaos depuis bientôt cinquante ans.


Leur front commun est cependant illusoire. Aujourd’hui alliés, ils seront demain des adversaires. Ils finiront tôt ou tard par se combattre et s’anéantir comme ils l’ont fait par le passé.


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